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Planifier la transition vers une énergie propre

La modélisation trace le chemin de l’Estonie vers un avenir durable

Matthew Fisher

Tallinn, Estonie. (Photo : AdobeStock)

Selon une étude menée par des chercheurs de l’Université de Tartu, l’Estonie est en mesure d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de carbone grâce à un bouquet énergétique diversifié dans lequel l’énergie d’origine nucléaire tient une place essentielle. Cette analyse, effectuée à l’aide d’un outil de modélisation énergétique de l’AIEA, permet de comprendre à quoi pourrait ressembler le futur système énergétique propre de l’État balte ainsi que le coût des différentes trajectoires pour y arriver. Dans le cadre de l’initiative Atoms4NetZero, l’AIEA a appuyé le projet en renforçant les capacités et en fournissant des orientations techniques, sachant que l’Estonie cherche à sortir de sa dépendance au pétrole de schiste d’ici 2050.

Fin 2023, le groupe de travail sur l’énergie nucléaire de l’Estonie a présenté un rapport indiquant comment, avec une planification, une approbation du public et des financements suffisants, l’électronucléaire pourrait permettre d’atteindre les objectifs d’atténuation des changements climatiques, de sécurité énergétique et de croissance économique de l’Estonie. En juin 2024, après avoir étudié le rapport, le parlement estonien a approuvé les préparatifs visant à adopter l’électronucléaire et décidé de prendre des mesures pour établir un cadre juridique régissant son utilisation.

L’initiative Atoms4NetZero aide les pays à utiliser une importante palette d’outils d’analyse qui leur permet d’envisager tout ce que l’électronucléaire peut leur apporter dans divers scénarios de planification énergétique. Jusqu’à récemment, les études publiées portant sur la modélisation énergétique ne s’étaient pas véritablement penchées sur le rôle de l’électronucléaire dans la réalisation des objectifs d’atténuation des changements climatiques. Toutefois, maintenant que l’électronucléaire est désormais largement reconnu comme faisant partie de la solution qui permettra d’atteindre les objectifs de décarbonation, les pays intéressés souhaitent mieux comprendre comment cette technologie peut contribuer à décarboner leurs systèmes énergétiques. 

L’outil utilisé dans cette étude, le Modèle pour l’étude de stratégies d’approvisionnement énergétique de substitution et de leur impact général sur l’environnement (MESSAGE), est conçu pour la planification à moyen et long terme des systèmes énergétiques. Il peut modéliser l’ensemble des diverses technologies de production thermique ainsi que les technologies d’énergies renouvelables et de capture et de stockage du carbone, entre autres choses. Grâce à un algorithme, MESSAGE indique comment un objectif donné peut être atteint à un coût minimal. L’étude des chercheurs estoniens a intégré les coûts liés à l’investissement, à l’exploitation, au combustible, aux importations d’énergie et aux contraintes en matière de carbone, afin de donner une vue d’ensemble du système énergétique.

 

Graphique présentant les capacités de technologies en Estonie jusqu'en 2050, par source d'énergie, selon le scénario de référence et le scénario nucléaire

« Cette étude indique que si le secteur nucléaire démontre qu’il est possible de maintenir les coûts d’investissement et les calendriers des travaux de construction dans les limites prévues, l’électronucléaire est une option compétitive pour l’Estonie », indique Mario Tot, analyste des systèmes énergétiques de l’AIEA. « À supposer que l’Estonie s’engage sur le chemin de la décarbonation et prenne en compte la portée de notre analyse, cette étude illustre comment, sur le long terme, le nucléaire peut offrir des résultats comparables aux énergies renouvelables. »

En s’appuyant sur des données en accès libre et des données provenant de publications du Gouvernement estonien, l’étude s’est essentiellement intéressée à deux scénarios d’alimentation électrique : d’une part, un scénario « de référence » fondé uniquement sur une expansion des sources d’énergie renouvelable actuellement utilisées en Estonie, notamment l’éolien et la biomasse ; d’autre part, un scénario « nucléaire », comprenant le déploiement de deux petits réacteurs modulaires (SMR) et d’autres technologies d’énergies propres telles que les énergies renouvelables. L’étude révèle que les deux scénarios permettraient à l’Estonie d’atteindre ses objectifs de décarbonation et de devenir un exportateur net d’électricité après 2040. En raison de son rapport coût-efficacité, la capacité éolienne a été reconnue dans les deux scénarios comme la composante la plus importante du futur bouquet d’énergies propres de l’Estonie.

« Le soutien et la souplesse des experts de l’AIEA ont été pour nous une aide précieuse pour atteindre les objectifs de l’étude dans des délais réalistes. Nous avons apprécié de pouvoir interagir régulièrement avec des experts de l’AIEA, ce qui nous a permis d’accroître rapidement notre capacité de modélisation et de profiter d’un savoir-faire de référence dans le secteur », déclare Alan Tkaczyk, professeur associé à l’Université de Tartu, qui a dirigé l’équipe estonienne de modélisation. « Nous avons transmis les résultats de notre modélisation aux collègues des ministères estoniens concernés, qui étaient impatients d’examiner nos conclusions en cette période cruciale de débat public sur l’arrivée de l’électronucléaire en Estonie. »

L’analyse a montré que le scénario nucléaire, avec un coût d’investissement estimé à 6 000 euros par kilowatt pour les SMR, serait à peine 1,3 % plus cher que le scénario de référence. Toutefois, la prise en compte du coût total de la modernisation du réseau électrique et des capacités de stockage de l’Estonie, nécessaire à une expansion significative de l’énergie éolienne, permettrait d’affiner l’analyse et de mieux appuyer la compétitivité économique de l’électronucléaire. Un système énergétique fondé sur l’électronucléaire, capable de fournir au réseau une charge de base 24 h/24 et 7 j/7 dans toutes les conditions météorologiques, serait plus résilient et plus sûr qu’un système construit à partir du scénario de référence, qui comprend des parts importantes d’énergie éolienne. Il faudra mener des études complémentaires pour évaluer de façon exhaustive les dépenses liées au réseau et les autres coûts associés aux autres stratégies possibles. 

« Notre rôle est d’aider les chercheurs à utiliser des outils leur permettant d’élaborer des plans énergétiques cohérents avec leurs objectifs en matière d’énergie propre. Pour les pays qui s’intéressent à l’électronucléaire, il est crucial que cet aspect soit pris en compte dans les études, indique Mario Tot. La construction de l’infrastructure nécessaire pour l’énergie propre de demain exige une planification rigoureuse dès aujourd’hui. »

 

04/2025
Vol. 66-1

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