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Des scientifiques thaïlandais utilisent des isotopes stables pour améliorer l'étiquetage des aliments et les programmes nutritionnels

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La façon dont certaines personnes se nourrissent en Thaïlande pourrait bientôt changer avec la révision de l'étiquetage nutritionnel des produits alimentaires et des recommandations sur l'apport nutritionnel dans le pays. Afin de contribuer à la révision des recommandations relatives aux VNR, les scientifiques utilisent aujourd'hui des techniques faisant appel aux isotopes stables. (Photo : N. Jawerth/AIEA)

Bangkok, Thaïlande — Grâce notamment à des données scientifiques recueillies à l'aide de techniques faisant appel aux isotopes stables, les consommateurs thaïlandais auront bientôt accès à un étiquetage nutritionnel des produits alimentaires et à des recommandations sur l'apport nutritionnel qui seront plus précis. Ces changements s'inscrivent dans le cadre de la révision des valeurs nutritionnelles de référence (VNR) (recommandations concernant l'apport nutritionnel journalier et les aliments à consommer) entreprise par le Gouvernement en vue de s'assurer que la population bénéficie de conseils appropriés. La révision visera à faire en sorte que les politiques et les programmes nutritionnels du pays reposent sur des données actualisées.

« Cela fait environ 15 ans que la Thaïlande n'a pas mis à jour ses VNR. Entre-temps, de nombreux progrès scientifiques ont été réalisés dans le domaine de la nutrition, et la technologie et les méthodes ont évolué, tout comme les apports nutritionnels », a expliqué Emorn Udomkesmalee, chercheur principal et ancien directeur de l’Institut de nutrition de l’Université Mahidol, à Bangkok. « Nous disposons aujourd'hui d'outils tels que les techniques utilisant les isotopes stables, qui nous permettent d'être beaucoup plus précis dans les recommandations que nous faisons à la population concernant les régimes alimentaires. »

L'Institut de nutrition, qui collabore avec l'AIEA depuis 1996, est la première agence en Thaïlande à fournir des services d'analyse complets relatifs à l'étiquetage nutritionnel. Ses scientifiques ont mené des travaux de recherche en vue d'élaborer des VNR et des étiquettes nutritionnelles pour la Thaïlande, lesquelles ont été introduites pour la première fois respectivement en 1989 et 1998. Ils utilisent désormais des techniques faisant appel aux isotopes stables (voir l'encadré « En savoir plus ») ainsi que d'autres méthodes pour effectuer diverses études de nutrition, sur lesquelles repose la révision des VNR. Les nouvelles valeurs nutritionnelles de référence devraient être communiquées dès la fin de 2018.

Nous disposons désormais d'outils tels que les techniques utilisant les isotopes stables, qui nous permettent d'être beaucoup plus précis dans les recommandations que nous faisons à la population concernant les régimes alimentaires.
Emorn Udomkesmalee, chercheur principal et ancien directeur de l’Institut de nutrition de l’Université Mahidol

Précision des données pour l'établissement de recommandations nutritionnelles et alimentaires

Des scientifiques utilisent un spectromètre de masse à rapport isotopique pour évaluer des échantillons afin de mener des études nutritionnelles concernant l'apport en micronutriments, la composition corporelle, les pratiques d'allaitement, et les dépenses et besoins énergétiques de l'organisme. (Photo : N. Jawerth/AIEA)

Selon Emorn Udomkesmalee, il est important que chaque recommandation nutritionnelle soit élaborée avec précision, car les VNR ont une influence sur notre vie quotidienne. « Lorsqu'on établit des recommandations relatives aux régimes alimentaires à l'intention de la population, il faut s'assurer qu'une indication comme "quatre portions de cet aliment" corresponde réellement aux besoins en nutriments et en énergie des personnes d'un certain âge et ayant un certain niveau d'activité. »

Les VNR ont une incidence sur tout ce qui est lié à la nutrition dans un pays, comme les étiquettes nutritionnelles des aliments, les recommandations nutritionnelles exprimées en termes d’aliments, les programmes de santé ou encore la recherche-développement dans le domaine alimentaire. Elles reposent sur un riche ensemble de données internationales et nationales concernant les besoins quotidiens de l'organisme humain en énergie, glucides, protéines, lipides, vitamines et minéraux.

Le document contenant ces recommandations, de la taille d'une encyclopédie, est organisé par élément nutritif et chaque chapitre est encore subdivisé, concernant un âge, un sexe et, s'il y a lieu, un groupe spécifique pouvant être largement influencé par les recommandations nutritionnelles des VNR.

« En élaborant les VNR d'un pays, les scientifiques s'appuient souvent sur des données internationales qui s'appliquent aux organismes humains dans le monde entier, mais qui ne reflètent pas toujours exactement les besoins d'un pays », a expliqué Wantanee Kriengsinyos, maître de conférences à l'institut chargé de superviser les études sur les dépenses énergétiques et la composition corporelle.

« Par exemple, il y a 15 ans, nous avions utilisé les valeurs de référence relatives aux apports en énergie établies pour les pays occidentaux, mais nous nous rendons compte à présent qu'elles sont trop élevées pour les Thaïlandais et la population asiatique en général. Si nous continuons à utiliser ces données, qui sont anciennes, notre taille va doubler, car le régime est trop riche en énergie », a affirmé Wantanee Kriengsinyos. « Nous devons revoir les besoins en fonction des dépenses énergétiques de la population, et nous validons les valeurs au moyen d'isotopes stables. »

Si la Thaïlande peut affiner les données existantes pour s'assurer que les VNR soient adaptées à l'ensemble de sa population, il est parfois nécessaire de recueillir d'autres données pour répondre aux besoins de certains groupes spécifiques à ce pays.

C'est notamment le cas pour l'hémoglobinopathie, comme l'a expliqué Emorn Udomkesmalee. Cette anomalie génétique qui entraîne une surcharge en fer touche environ 7 % de la population mondiale, mais est plus répandue en Afrique, dans le bassin méditerranéen et en Asie du Sud-Est. « Un tiers de la population vulnérable dans le nord-est de la Thaïlande souffre de cette maladie. Nous devons alors nous demander si les aliments enrichis en fer ne leur seront pas préjudiciables. La seule façon de répondre à cette question est d'utiliser les techniques faisant appel aux isotopes stables pour étudier l'absorption du fer », a indiqué Emorn Udomkesmalee.

Les scientifiques ont conclu que les aliments enrichis en fer ne posaient pas de problèmes aux personnes porteuses des gènes de l'hémoglobinopathie, mais qu'ils pouvaient en poser chez celles qui ont développé la maladie. Les conclusions de cette étude seront prises en compte dans les VNR de la Thaïlande.

Nutrition en Asie du Sud-Est

La révision des VNR de la Thaïlande contribuera à repenser la consommation alimentaire dans tout le pays. Cependant, les changements peuvent avoir des conséquences au-delà des frontières.

« Nous devons faire très attention en révisant les VNR. Les changements introduits dans les VNR thaïlandaises auront une incidence non seulement sur la Thaïlande, mais aussi sur tous les aliments et les produits sortant du pays, notamment du fait qu'il s'agit d'un pays de l'ASEAN. Si les VNR indiquées sur les étiquettes nutritionnelles sont très différentes des normes établies dans d'autres pays, ceux-ci ne voudront pas des produits concernés, et le commerce pourrait en pâtir », a affirmé Emorn Udomkesmalee. « C'est pourquoi les VNR seront minutieusement révisées et vérifiées afin de veiller à ce qu'elles reposent sur une base scientifique solide et qu'elles soient en adéquation avec les normes régionales. »

L'étiquetage des aliments en réponse aux taux croissants de surpoids et d'obésité sera examiné plus avant lors du prochain colloque international sur la compréhension du double fardeau de la malnutrition en vue d'interventions efficaces, qui aura lieu du 10 au 13 décembre 2018.

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