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Qu’est-ce que l’érosion des sols ? Comment les techniques nucléaires aident-elles à l’identifier et à l’atténuer ?

Le nucléaire expliqué
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L’érosion des sols est une menace pour l’agriculture et la production alimentaire. Elle est la principale cause de dégradation des sols, qui touche 1,9 milliard d’hectares de terres dans le monde, soit près des deux tiers des ressources mondiales en sols, menaçant ainsi l’approvisionnement alimentaire mondial (Image : A. Vargas/AIEA).

L’érosion des sols, type le plus courant de dégradation des terres, est un processus par lequel la couche supérieure du sol, dont les plantes tirent la plupart de leurs nutriments et de leur eau, est détruite. La perte de cette couche fertile, appelée couche arable, affecte la productivité de la terre et prive les agriculteurs d’une ressource importante pour la culture de plantes alimentaires. Contrairement au vent ou au soleil, le sol est une ressource limitée et non renouvelable qui se dégrade à un rythme alarmant. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), environ 40 % des ressources en terres de l’Afrique sont dégradées.

Plusieurs types de dégradation des sols affectent environ 1,5 milliard de personnes, notamment dans les pays en développement. Mais les sols peuvent compter sur un allié de choix : la science nucléaire. Les techniques nucléaires peuvent aider les experts à mieux comprendre les causes et les processus d’érosion des sols, à identifier les zones les plus touchées par celle-ci et à évaluer l’impact de diverses pratiques de gestion des terres sur les taux d’érosion, afin de renforcer la résilience des sols aux effets du changement climatique et de les protéger.

Au moyen de techniques nucléaires comme la technique utilisant les radionucléides provenant des retombées et celle des isotopes stables de composants spécifiques, l’AIEA aide à évaluer l’érosion des sols pour faciliter la mise en œuvre de stratégies appropriées de protection des sols. L’Agence travaille avec la FAO pour aider les pays à renforcer leurs capacités à utiliser les techniques nucléaires et isotopiques afin de lutter contre l’érosion des sols, préserver les ressources en sols et soutenir une production agricole durable.

Quelles sont les causes et les conséquences de l’érosion des sols ?

(Image : A. Vargas/AIEA).

Bien que l’érosion des sols soit un phénomène naturel et qu’elle se produise sur tous les continents, l’activité humaine en est l’une des principales causes. En général, les sols en pente sont les plus touchés par l’érosion. L’érosion des sols est généralement causée par des facteurs naturels, comme les vents violents ou les pluies torrentielles. Toutefois, les activités humaines peu respectueuses de l’environnement, comme la déforestation ou la gestion inappropriée des terres, peuvent accélérer l’érosion des sols en multipliant son rythme par deux ou trois.

L’érosion rend les sols vulnérables à la perte de la couche arable fertile. Ce phénomène, associé à la perte des nutriments des sols, constitue une menace pour la production agricole, la sécurité alimentaire et l’environnement, principalement les ressources en eau. 95 % des aliments que nous consommons sont produits grâce au sol. Ainsi, la santé et la disponibilité des sols ont un effet sur la qualité et la quantité de la production alimentaire. Près d’un quart de la population mondiale dépend directement d’aliments produits sur des terres dégradées. Chaque année, le taux de dégradation augmente, entraînant la perte annuelle de millions d’hectares de terres dans le monde. Quelque 83 % des habitants d’Afrique subsaharienne dépendent de la terre pour leurs activités de subsistance, et la production alimentaire en Afrique devra augmenter de près de 100 % d’ici 2050 pour répondre à la demande de la population.

Les sols érodés affectent également la qualité de l’eau et de la vie aquatique. Ces sols peuvent en effet être transportés par les eaux de ruissellement vers les cours d’eau, comme les rivières et les lacs, ce qui a pour conséquence d’obstruer les réserves d’eau et de provoquer l’accumulation dans les eaux de nutriments lessivés et l’apparition d’algues. Cette situation nuit à la qualité de l’eau et aux habitats de la vie aquatique. En outre, même dans les réserves d’eau plus importantes, comme les océans et les mers, les sédiments peuvent s’accumuler en quantités importantes et augmenter la turbidité et réduire la visibilité dans les eaux, ce qui nuit à la durabilité des écosystèmes aquatiques et entraîne souvent le dépérissement de la flore.

D’autres conséquences de l’érosion des sols sont la dégradation des fonctions des écosystèmes, l’amplification des risques de glissements de terrain et d’inondations, les pertes importantes de biodiversité, les dommages aux infrastructures urbaines et, dans les cas graves, le déplacement de populations.

Comment les techniques nucléaires peuvent-elles aider à atténuer ce phénomène ?

La reconstitution des sols érodés peut prendre plusieurs années. C’est pourquoi il est important d’évaluer les taux d’érosion et de dépôt des sols, ainsi que d’améliorer la gestion des terres et de mettre en œuvre des mesures de préservation des sols. C’est à ce stade que les techniques nucléaires entrent en jeu. La technique utilisant les radionucléides provenant des retombées et celle des isotopes stables de composants spécifiques sont les plus utilisées pour lutter contre l’érosion des sols. La première technique permet d’évaluer et de quantifier les taux d’érosion des sols, tandis que la seconde permet d’identifier les zones les plus touchées par l’érosion.

Sur la base des résultats de ces applications nucléaires, des mesures de préservation des sols peuvent être mises en œuvre, comme le terrassement, la culture en courbes de niveau, la culture en bandes, le travail minimum du sol, la culture sans travail du sol, le paillage, la culture de couverture, la culture sur billons et la culture sur sillons. Pour en savoir plus, découvrez comment ces techniques nucléaires ont été utilisées à Madagascar et en Ouganda.

La technique utilisant les radionucléides provenant des retombées

Les radionucléides provenant des retombées se posent sur le sol grâce à la pluie. La quantité de radionucléides dans le sol est très faible et sans danger pour l’homme, mais la mesure des quantités précises à l’aide de techniques nucléaires peut aider à déterminer les taux d’érosion des sols (Image : A. Vargas/AIEA).

Les radionucléides provenant des retombées sont présents partout. Le césium 137 (¹³⁷Cs), qui est le plus répandu, s’est propagé dans l’environnement notamment lors des essais d’armes nucléaires dans les années 1950-1960. Il s’est d’abord propagé dans l’atmosphère, puis s’est incorporé à la couche arable au fil du temps grâce aux précipitations.

Bien que la quantité de radionucléides dans le sol soit très faible et sans danger pour l’homme, elle peut être mesurée à l’aide de la spectrométrie gamma, et cette quantité peut être utilisée pour déterminer les taux d’érosion des sols. Lorsque la couche arable est touchée par l’érosion, la concentration de ¹³⁷Cs diminue, et les zones où le sol érodé est déposé voient leur concentration de ¹³⁷Cs augmenter. Le suivi de la répartition des radionucléides provenant des retombées permet aux experts de déterminer la quantité de sol ayant changé d’emplacement. Pour interpréter les données, il faut identifier un site qui n’a ni été touché par l’érosion ni subi le dépôt de radionucléides. Ce site, où le moyen utilisé pour réduire la quantité de radionucléides provenant des retombées est la désintégration radioactive, constitue un élément de référence. Les sites érodés et ayant subi le dépôt de radionucléides sont ensuite comparés au site de référence pour calculer les taux d’érosion.

Outre le ¹³⁷Cs, deux autres types de radionucléides provenant des retombées sont également utilisés pour le suivi de l’érosion des sols : le plomb 210 (210Pb) et le béryllium 7 (7Be).

L’utilisation des radionucléides provenant des retombées pour déterminer les taux d’érosion des sols est plus pratique, moins onéreuse et nécessite moins de main-d’œuvre que les méthodes conventionnelles, telles que les mesures volumétriques de l’enlèvement des sols ou les mesures de l’exportation de sédiments à des échelles spatiales sur des parcelles de taille différente. Les techniques utilisant les radionucléides provenant des retombées sont particulièrement utiles pour étudier les conséquences de l’utilisation des terres en matière d’érosion des sols et l’efficacité des mesures de préservation des sols. Ces informations sont indispensables pour élaborer des stratégies de préservation des sols, utiliser les mesures appropriées et mettre en œuvre des programmes de préservation des sols.

La technique des isotopes stables de composants spécifiques

Les scientifiques peuvent suivre la présence d’isotopes stables, tels que le carbone 13, dans le sol pour identifier les zones les plus touchées par l’érosion et déterminer le lien entre les différentes utilisations des terres et des cultures et les taux d’érosion des sols (Image : A. Vargas/AIEA).

Les techniques utilisant les radionucléides provenant des retombées sont utilisées dans certains domaines de l’évaluation de l’érosion des sols. Mais pour déterminer l’origine des sédiments et les zones affectées par l’érosion dans des espaces plus vastes, comme les bassins versants, on utilise la technique des isotopes stables de composants spécifiques, technique mise au point spécifiquement à ces fins.

La technique des isotopes stables de composants spécifiques permet de mesurer l’isotope stable du carbone 13 (13C) pour déterminer les différentes sources de matière organique dans le sol. Chaque plante est caractérisée par une signature spécifique du 13C, qui reste dans le sol lorsque les tissus végétaux se décomposent. Cela permet d’identifier les écosystèmes et les types d’utilisation des terres qui favorisent la présence de matières organiques dans le sol. L’analyse du 13C nécessite des constituants des tissus végétaux qui sont stables et ne se décomposent pas dans le sol. Les acides gras, issus des racines des plantes, sont les plus appropriés à cet effet. Après la décomposition des tissus végétaux, les acides gras se mêlent à la matière organique du sol. Ces acides sont caractérisés par des signatures isotopiques stables uniques, qui peuvent être analysées et utilisées comme des « empreintes ».

La technique des isotopes stables de composants spécifiques permet aux scientifiques de faire correspondre les « empreintes » des constituants du sol aux constituants des écosystèmes de la zone d’étude choisie. En prélevant un échantillon d’une zone érodée, les scientifiques peuvent identifier les causes de l’érosion des sols, de la présence de sédiments dans les réserves d’eau et les zones qui y sont particulièrement sujettes. Ces informations sont essentielles pour définir des mesures appropriées de préservation des sols. Pour en savoir plus, découvrez ce projet qui a été mis en œuvre au Myanmar.

Quel est le rôle de l’AIEA ?

  • L’AIEA aide plus de 60 pays à utiliser les techniques nucléaires pour mesurer et contrôler l’érosion des sols dans le cadre de son programme de coopération technique. L’Agence travaille également avec la FAO dans le cadre des activités du Centre mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture.
  • L’AIEA travaille avec la FAO pour fournir des orientations sur l’utilisation des radionucléides provenant des retombées pour évaluer l’érosion des sols et l’efficacité des mesures de préservation des sols afin de partager les meilleures pratiques en la matière. Cette collaboration permet également d’avoir des informations permettant de mieux utiliser certains de ces radionucléides, tels que le 137Cs et le 7Be.
  • L’AIEA a également publié des orientations sur le traçage des sédiments au moyen de la technique des isotopes stables de composants spécifiques.
  • Dans les pays d’Afrique, d’Asie, du Pacifique et d’Amérique latine et des Caraïbes, l’AIEA partage des connaissances sur les techniques nucléaires avec les scientifiques. L’AIEA mène ces activités dans le cadre de projets régionaux visant à lutter contre la dégradation des terres et la sédimentation dans les réserves d’eau, et à accroître la productivité des sols pour renforcer la sécurité alimentaire.
  • L’AIEA travaille avec la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) pour promouvoir les meilleures pratiques en matière de gestion des sols, notamment dans les zones vulnérables ou touchées par l’érosion.
  • L’AIEA contribue à la réalisation de la cible 15.3 des objectifs de développement durable, qui vise à lutter contre la désertification, à restaurer les écosystèmes terrestres et à enrayer le processus de dégradation des terres.

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