You are here

Les techniques nucléaires mettent en lumière une forte érosion du sol en Ouganda

,
The mountainous agricultural region in Uganda’s southwestern highlands are affected by soil erosion

La région agricole montagneuse des hautes terres du sud-ouest de l’Ouganda est touchée par l’érosion du sol. (Photo : E. Fulajtar/AIEA)

En Ouganda, des millions d’habitants tirent leur moyen d’existence des hautes terres, régions montagneuses ou élevées de ce pays d’Afrique de l’Est. Les hautes terres, sur lesquelles vivent près de 40 % des 46 millions d’habitants que compte le pays, sont réparties le long des frontières est et ouest. Elles jouent un rôle très important dans l’agriculture, secteur qui représente la principale source de revenus d’un grand nombre d’Ougandais, notamment de 70 % des femmes actives, d’après le Ministère de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche. Ces régions sont l’une des plus touchées par la dégradation des terres, causée par l’érosion du sol, qui y est endémique.

Les Laboratoires nationaux de recherche agronomique (NARL), situés à Kampala, la capitale, ont récemment achevé une étude sur ces sols essentiels qui entretiennent la vie, avec l’aide de l’AIEA et en partenariat avec l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Des experts ont évalué les taux d’érosion dans les hautes terres à l’aide de techniques nucléaires, afin d’informer les décideurs, les agriculteurs et d’autres parties prenantes sur les mesures à prendre pour stopper, ou au moins réduire, la dégradation des terres. « Depuis 2013, les capacités en matière de recherche sur l’érosion des NARL, qui relèvent de l’Organisation nationale pour la recherche agronomique, sont renforcées dans le cadre du programme de coopération technique. En 2016 et en 2017, le personnel de ces laboratoires a été formé à l’échantillonnage du sol, à l’analyse du césium 137 (137Cs), radionucléide servant de traceur de l’érosion, et à l’utilisation du matériel pertinent », indique Valentina Varbanova, responsable de la gestion de programmes à l’AIEA.  

Dans le cadre de l’étude, des échantillons ont été prélevés par carottage dans des champs en terrasses du district de Rubanda, dans les hautes terres du Sud-Ouest. Les résultats ont montré que la plupart des terrasses étaient érodées, ayant perdu près de 12,6 cm de la couche arable au cours des 60 dernières années. On en a conclu que les techniques des systèmes en terrasses étaient insuffisantes pour conserver le sol sur les versants pentus des hautes terres de l’Ouganda.

« Les hautes terres sont densément peuplées et intensivement exploitées à des fins agricoles, car les pluies y sont abondantes et les températures modérées, ce qui les rend propices à l’établissement de populations », explique Emil Fulajtar, pédologue au Centre mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture. « On trouve principalement de petites exploitations familiales sur les versants dont l’inclinaison est d’environ 30 à 40 degrés. » Comme la pluie peut facilement enlever la couche arable, partie la plus fertile du sol, ces zones sont menacées par la dégradation des terres.

Les champs fortement dégradés deviennent impropres à la culture et sont abandonnés. (Photo : E. Fulajtar/AIEA)

Recours aux techniques nucléaires pour évaluer et valider les mesures

Des chercheurs d’Ouganda, du Rwanda et de Chine avaient évalué l’érosion du sol dans le pays, la dernière fois en 2017, à l’aide d’une méthode de modélisation non nucléaire classique. Les résultats obtenus grâce à l’équation universelle des pertes en terre (USLE), modèle mathématique qui décrit le taux d’érosion annuel moyen à long terme, montrent que le taux moyen d’érosion du sol dans les hautes terres est compris entre 10 et 100 tonnes par hectare et par an (t/ha/a) et atteint fréquemment plus de 100 t/ha/a. Dans les terres hautes, les taux sont supérieurs au taux moyen du pays, qui est de 3,2 t/ha/a ; par conséquent, des mesures de conservation des sols sont nécessaires pour assurer une production agricole durable. Les taux estimés à l’aide de ces modèles n’ont pas été validés par des mesures sur le terrain.

Les chercheurs ont échantillonné 41 profils pédologiques pour mesurer les taux d’érosion en utilisant le 137Cs comme traceur. « Seuls quatre profils pédologiques étaient stables, c’est-à-dire sans érosion ni dépôt, et six présentaient un dépôt résultant de l’accumulation de sédiments de l’érosion, qui altère la forme du sol », indique Emil Fulajtar. Les 31 autres profils étaient érodés, avec un taux d’érosion maximal de 96 t/ha/a et un taux moyen de 30,4 t/ha/a. Les résultats des mesures effectuées sur le terrain à l’aide du 137Cs ont corroboré les estimations établies par l’USLE. La méthode au 137Cs (voir Utilisation des radionucléides provenant des retombées pour évaluer l’érosion du sol) a été appliquée dans plus de 70 pays dans le cadre du programme de coopération technique et des projets de recherche coordonnée de l’AIEA pour mesurer les taux d’érosion et valider l’efficacité des méthodes de conservation.

Compte tenu de la différence entre le nombre de profils de dépôt et le nombre de profils d’érosion, Emil Fulajtar a conclu que « la majeure partie du sol érodé était retirée des versants en terrasses cultivés et se retrouvaient en bas des pentes et dans les vallées, ou bien formait des sédiments en suspension dans les cours d’eau et les lacs », ce qui a une incidence sur la qualité des ressources hydriques.

Entre le début des années 1960 (époque à laquelle du 137Cs a été rejeté dans l’atmosphère lors d’essais d’armes nucléaires et s’est déposé sur la surface de la Terre) et le moment de l’échantillonnage en 2018, plus de 60 % de la couche arable cultivée, soit 12,6 cm, a été érodée. Emil Fulajtar estime que des mesures supplémentaires de conservation des sols sont nécessaires et suggère trois approches prometteuses : la gestion des terres sans labour pour réduire l’érosion des sols due à la pluie tout en augmentant la quantité d’eau qui s’infiltre dans le sol ; le passage à des cultures plus efficaces en matière de conservation des sols, par exemple en délaissant le manioc, le sorgho, les pois et les haricots au profit du blé ou d’autres cultures à semis dense ; et les fossés contre l’érosion destinés à stopper le ruissellement et le déplacement de sédiments.

Il a été fait état des études de l’AIEA dans les rapports nationaux sur l’état de l’environnement de l’Ouganda en vue d’aider les décideurs à statuer sur des questions environnementales. « Les décideurs ont besoin d’informations sur les taux d’érosion du sol, leurs incidences sur les moyens d’existence de la population et l’efficacité des différentes mesures de conservation des sols, pour édicter des mesures, des arrêtés et des ordonnances nécessaires à une utilisation durable des ressources naturelles desquelles 4,2 millions de petits exploitants agricoles tirent leur revenu », explique Crammer Kayuki Kaizzi, des NARL. « La diminution de l’érosion des terres grâce à une meilleure gestion des sols et de l’eau permettra de réduire l’envasement des cours d’eau, des lacs et d’autres masses d’eau de surface, ce qui profitera à l’environnement, aux petits exploitants et aux personnes vivant dans des zones rurales. L’accès à une eau de qualité est important, car la majorité de la population a recours à des sources non protégées et à des puits ouverts pour un usage domestique. »

L’érosion en rigoles, caractérisée par la formation de petits chemins d’eau de ruissellement, est un phénomène courant dans certains champs des hautes terres en Ouganda. (Photo : E. Fulajtar/AIEA)

Suivez-nous

Lettre d'information