You are here

Maurice : utilisation des isotopes pour déterminer l’origine de la pollution de l’eau dans les zones urbaines

Tiré du Bulletin de l’AIEA
,

Une spécialiste de l’hydrologie isotopique prélève des échantillons d’eau sur un site pollué à la périphérie de Port-Louis.

[Photo : I. Matiatos (AIEA)]

D’après les premières conclusions d’une étude faisant appel aux techniques isotopiques, menée avec l’appui de l’AIEA, les activités agricoles, les rejets illégaux d’eaux usées et l’élevage seraient comptés parmi les sources de la pollution à l’azote touchant les cours d’eau urbains de la région de Port-Louis, capitale de Maurice. Certains composés azotés, comme les nitrates, peuvent contaminer les cours d’eau urbains et, en concentrations excessives, représenter un danger pour la population et l’environnement.

« La pollution au nitrate est une préoccupation majeure dans le pays », affirme Yannick Fanny, responsable scientifique au Laboratoire national de l’environnement de Port-Louis, ville et centre économique les plus importants de l’île, avec ses quelque 200 000 habitants. « L’étude menée constitue un grand pas en avant : les premiers résultats montrent que la contamination au nitrate est très probablement due au fumier et aux déchets septiques, ainsi qu’à des matières organiques dissoutes dans le sol. »

L’azote, engrais essentiel, est largement utilisé depuis le milieu du XXe siècle. Lorsqu’il est épandu de manière excessive, il peut contaminer les cours d’eau et les eaux souterraines en raison du ruissellement agricole, mais il peut aussi provenir de réseaux d’assainissement, de terrains d’élevage ou d’activités industrielles.

Le nitrate, composé azoté, constitue un nutriment essentiel pour les plantes. En quantités excessives, il peut poser un problème de santé publique, car il altère la capacité de transport de l’oxygène par le sang. Il peut également être à l’origine d’efflorescences algales dans les lacs et les cours d’eau, phénomène qui réduit la biodiversité et la capacité des écosystèmes aquatiques à répondre aux besoins de secteurs importants, comme le tourisme ou la pêche commerciale.

En 2016, des scientifiques ont commencé à collaborer avec l’AIEA en vue d’utiliser les techniques isotopiques pour déterminer l’origine de la pollution au nitrate, les autorités ayant détecté une contamination autour de Port-Louis. Les contaminants trouvés dans les ruisseaux et autres cours d’eau menacent des zones protégées, telles que la réserve ornithologique de l’estuaire de Rivulet Terre Rouge. À plusieurs reprises, des efflorescences algales toxiques se sont produites dans l’océan et ont causé la mort de nombreux poissons, au grand désarroi des pêcheurs locaux.

Cette pollution peut avoir diverses origines : des systèmes d’évacuation des eaux usées inappropriés, des fosses septiques défectueuses, les rejets industriels, l’élevage ou les activités agricoles. Lorsque l’origine de la pollution au nitrate est connue, les pouvoirs publics sont mieux à même de prendre les mesures adéquates pour protéger les cours d’eau et les eaux souterraines.

Cependant, il peut être difficile de déterminer l’origine des nitrates présents dans les cours d’eau. « La chimie classique permet de déterminer le niveau de pollution à l’azote d’un cours d’eau, mais pas l’origine de cette pollution », explique Ioannis Matiatos, spécialiste de l’hydrologie isotopique à l’AIEA. « L’analyse des isotopes du nitrate permet d’obtenir ce type d’informations. »

Grâce à une assistance technique, des scientifiques du Laboratoire national de l’environnement ont collecté des données chimiques et isotopiques dans 14 stations d’observation de cours d’eau et 15 puits de forage situés autour de la ville, ce qui leur a permis de mettre au jour des mécanismes qui influent sur la qualité de l’eau dans cette zone. Bénéficiant de visites d’experts, d’une formation et de la fourniture de matériel dans le cadre du programme de coopération technique de l’AIEA, ils ont échantillonné et analysé les composés azotés présents dans les cours d’eau de Port-Louis. La méthode employée consistait notamment à analyser l’« empreinte » spécifique du nitrate présent dans les molécules d’eau en étudiant la composition isotopique de celles-ci.

La chimie classique permet de déterminer le niveau de pollution à l’azote d’un cours d’eau, mais pas l’origine de cette pollution. L’analyse des isotopes du nitrate permet d’obtenir ce type d’informations.
Ioannis Matiatos, spécialiste de l’hydrologie isotopique, AIEA

Passer à l’action

Les résultats du projet de coopération technique de l’AIEA serviront de base à l’élaboration d’un rapport complet contenant des constatations et des recommandations destinées aux responsables gouvernementaux, ainsi qu’aux collectivités locales. « Des programmes de mesures ciblés, mis en œuvre par l’ensemble des parties concernées, peuvent contribuer à résoudre ou à améliorer rapidement la situation dans de tels contextes urbains », explique Yannick Fanny.

Cette coopération amorce également le développement des activités de contrôle de l’eau dans tout le pays. Les scientifiques du Laboratoire national de l’environnement ont commencé à cartographier les zones d’où provient la majeure partie de l’azote qui pollue les cours d’eau et à prélever des échantillons de matière source en vue d’établir une liste des signatures isotopiques aux fins de l’identification des polluants.

« Dans l’avenir, en cas d’incident, les autorités pourront mettre rapidement en correspondance les échantillons d’eau et les sources de pollution, ce qui leur permettra de déterminer immédiatement le type d’activité probablement à l’origine de la pollution », indique Ioannis Matiatos.

Cet article a été publié dans le Bulletin d’avril 2019 sur l’eau

Suivez-nous

Lettre d'information