Un projet de l'AIEA révèle que d'importantes réserves d'eau de bonne qualité sont disponibles dans la région africaine du Sahel, sujette à la sécheresse. La pollution y reste limitée et ne constitue pas encore une grave menace pour ces ressources indispensables à la vie. Les conclusions, qui ont été compilées dans cinq rapports publiés aujourd'hui, sont le résultat d'un projet de quatre ans au cours duquel l'AIEA a aidé 13 pays à évaluer, à l'aide de techniques isotopiques, l'origine et la qualité des eaux souterraines de cinq aquifères et bassins communs de manière à obtenir pour la première fois une large vue d'ensemble des ressources en eaux souterraines de la région.
Des scientifiques des pays participants (Algérie, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Ghana, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, République centrafricaine, Sénégal,Tchad et Togo) ont été formés par l'Agence afin de pouvoir mener un examen détaillé des eaux souterraines à l'aide de techniques nucléaires.
Le projet a porté sur les aquifères et les bassins qui constituent pour la population de la région la principale source d'eaux souterraines : le système aquifère d'Iullemeden, le système du Liptako-Gourma et de la Haute Volta, le bassin sénégalo-mauritanien et les bassins du lac Tchad et de Taoudeni.
« Ce projet est une réalisation majeure compte tenu de l'étendue de la zone étudiée », déclare Neil Jarvis, chef du projet de l'AIEA. « Des pratiques de gestion de l'eau inappropriées peuvent accroître la rareté de l'eau. Si les pays ont à gérer une demande croissante d'eau douce, ils doivent disposer des outils nécessaires pour comprendre et cartographier les ressources en eau à leur disposition. »
L'AIEA a favorisé la collaboration entre experts nationaux, fourni le matériel et formé le personnel technique au prélèvement d'échantillons d'eau ainsi qu'à la détermination de leur origine et de leur composition grâce à des analyses hydrochimiques et à des techniques de cartographie.
Parmi les organisations partenaires figuraient l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), l'Autorité du bassin du Niger, la Commission du bassin du lac Tchad, l'Autorité du bassin de la Volta, l'Autorité de développement intégré de la région du Liptako-Gourma, l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal et l'Institut fédéral allemand des géosciences et des ressources naturelles.
Le Sahel, qui s'étend sur plus de sept millions de kilomètres carrés, de l'Afrique de l'Ouest à l'Afrique du Nord en passant par l'Afrique centrale, compte 135 millions d'habitants. Au cours des dernières décennies, cette région a connu des épisodes de sécheresse extrême qui ont nui à l'agriculture et entraîné des famines à grande échelle. Compte tenu du faible nombre de rivières dans la région, les systèmes d'eaux souterraines représentent la principale source d'eau douce.
Jusqu'à présent, les données recueillies ont constitué des informations précieuses pour les pays participants, notamment sur l'origine et les schémas d'écoulement des différents aquifères et sur les niveaux de contamination des bassins.
Les études isotopiques ont confirmé l'existence de grandes quantités d'eaux souterraines de bonne qualité, propres à la consommation humaine, à plusieurs endroits de la zone étudiée. Dans certaines zones, comme le bassin du lac Tchad, les sources de réalimentation de divers aquifères ont été déterminées pour la première fois.
Les zones dans lesquelles les eaux souterraines ont été contaminées, généralement par l'activité humaine, semblent à présent être isolées. « C'est une bonne nouvelle, mais il importe que les gouvernements prennent rapidement des mesures visant à protéger ces ressources vulnérables contre la pollution, car la situation peut changer en un tournemain », explique Luis Araguás Araguás, spécialiste de l'hydrologie isotopique à l'AIEA.
Le projet a également contribué à une meilleure compréhension de la relation entre les eaux de surface et les eaux souterraines peu profondes dans de nombreuses zones, ainsi qu'à une estimation de l'âge des eaux souterraines. « Ces informations peuvent fournir des indications précieuses sur le temps nécessaire à l'alimentation des nappes d'eau, si une telle alimentation a lieu », poursuit Luis Araguás Araguás. Dans diverses régions, comme celle du Liptako-Gourma, les analyses indiquent que les eaux souterraines sont constituées de petites poches indépendantes, ce qui pourrait avoir des incidences sur la gestion de ces ressources limitées.
Les molécules d'eau possèdent une « empreinte » caractéristique déterminée par leur proportion d'isotopes, atomes d'un même élément se distinguant par leur nombre de neutrons. Les scientifiques étudient les variations de la composition isotopique d'échantillons d'eau afin de déterminer la source, l'âge et la qualité de cette eau. Ils étudient notamment les conditions pluviométriques passées et actuelles, la vitesse de réalimentation des aquifères, les interactions entre les masses d'eau ainsi que la trajectoire et le devenir des contaminants.
Grâce à son Fonds de coopération technique, aux contributions apportées par la République de Corée, la Suède, le Japon, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis d'Amérique dans le cadre de l'Initiative sur les utilisations pacifiques, ainsi qu'aux contributions en nature apportées par l'Australie, l'AIEA a pu garantir la mise en œuvre efficace du projet.
Ce projet sera présenté lors de la première Conférence internationale sur le programme de coopération technique de l'AIEA : soixante ans de contribution au développement, qui se tiendra du 30 mai au 1er juin à Vienne (Autriche). Plusieurs chefs d'État et de gouvernement ainsi que des ministres, des hauts représentants d'organisations internationales et des donateurs se réuniront à l'AIEA afin d'évaluer les efforts entrepris par celle-ci pour aider les pays à tirer parti des utilisations pacifiques de la technologie nucléaire dans des domaines clés du développement, comme la sécurité alimentaire, la protection des ressources naturelles, la santé humaine et l'énergie.