Placée sous le thème de l’innovation en matière de conception et d’exploitation, cette édition du défi de production participative de l’AIEA était axée sur la mise en place économique et rentable de solutions intelligentes.
L’AIEA a ainsi sélectionné les cinq meilleures propositions issues de ce défi (site en anglais), qui avait pour but de trouver des concepts ou projets originaux permettant de réaliser des avancées dans les domaines du déclassement des installations nucléaires et de la remédiation environnementale de sites radiocontaminés. Trois de ces propositions concernaient principalement le déclassement et deux la remédiation environnementale. Les innovations proposées consistaient en des outils de caractérisation, en des instruments permettant d’effectuer des mesures sur le terrain et de recueillir des données en 3D sur les rayonnements, ainsi qu’en des robots utilisant l’intelligence artificielle. Les jeunes participants qui ont soumis ces propositions venaient du monde entier et partageaient le même enthousiasme pour les approches et stratégies novatrices capables de rendre les opérations à effectuer plus sûres, plus rapides et moins coûteuses.
« J’ai créé un outil capable de visualiser la radioactivité (site en anglais) qui contamine différentes surfaces comme les sols, les murs ou encore les appareils que l’on trouve dans des installations en cours de démolition », a expliqué Sylvain Leblond, ingénieur-chercheur au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). « Il sera très utile pour étudier la contamination résiduelle d’un site et mener à bien la remédiation de n’importe quel site contaminé. »
La gestion efficace du déclassement et de la remédiation environnementale est une condition indispensable à la durabilité de l’électronucléaire au regard des obligations relatives à la protection de la santé et de l’environnement.
Même si la durée de vie de nombreux réacteurs nucléaires de puissance est en train d’être prolongée, des travaux considérables de déclassement sont prévus dans les années à venir et nécessiteront dans la foulée des activités de remédiation. Il faudra notamment procéder au déclassement de réacteurs de puissance, de réacteurs de recherche, d’autres installations du cycle du combustible nucléaire, d’assemblages critiques, d’accélérateurs et d’installations d’irradiation. Des opérations de remédiation environnementale devront également être effectuées sur des sites précédemment utilisés pour des activités en rapport avec la recherche nucléaire, l’extraction et la préparation du minerai d’uranium, ou encore le traitement de matières radioactives naturelles.
« Jusqu’ici, la contamination ne pouvait être mesurée que sur une petite superficie et par des méthodes manuelles. Notre ambition est de fabriquer un robot qui pourrait éviter au personnel de s’exposer à des risques radiologiques », a indiqué Zeni Anggraini, qui travaille à de l’Agence nationale de l’énergie nucléaire d’Indonésie (BATAN) et dont l’équipe a développé un concept de robot capable de cartographier et surveiller les zones contaminées (site en anglais).
Ryo Yokoyama, de l’Université de Tokyo (Japon), a quant à lui mis au point une méthode permettant d’estimer la répartition des débris de combustible (site en anglais) en procédant à des expérimentations et en ayant recours à des techniques numériques. « Compte tenu de la gravité de la situation environnementale à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, le prélèvement d’échantillons ou l’extraction d’une partie des débris de combustible du réacteur sont d’une importance vitale. Il est possible, en procédant à des expérimentations et à une simulation numérique du site, d’identifier progressivement les débris de combustible, de façon à pouvoir ensuite les extraire », explique Ryo Yokoyama.
Le déclassement tout comme la remédiation environnementale sont des activités complexes qui peuvent s’étendre sur de nombreuses années après la mise à l’arrêt et la reconversion d’une installation.
Selon Vladimir Michal, chef d’une équipe de déclassement à l’AIEA et coordinateur du processus de sélection, « ces deux types d’opérations ne cessent de s’améliorer grâce à la fois aux technologies éprouvées et à des technologies nouvelles. Cela étant, il faut aussi de nouvelles idées et de nouveaux talents pour mettre ces technologiques en œuvre. Il est important d’amener les jeunes à prendre conscience des nombreux choix de carrière qui s’offrent ici à eux et à suivre les filières d’études et de formation proposées en la matière. » L’intérêt des défis de production participative comme celui-ci est de pouvoir attirer des scientifiques et des ingénieurs en début de carrière vers des disciplines liées au nucléaire.
Toutes les propositions étant focalisées sur des problèmes techniques spécifiques, elles ont de grandes chances d’être mises en pratique lors d’opérations de déclassement et de remédiation.
« L’essor de l’industrie nucléaire fait que l’on a de plus en plus besoin d’experts spécialisés dans ces questions. La place qu’occupent les technologies s’accroît à mesure que nous avançons dans le temps, ce qui nécessite un nombre toujours plus grand d’experts dans ces différents domaines, comme la robotique par exemple », a précisé Daniel Martin, assistant de recherche à la Florida International University (États-Unis). La proposition soumise par son équipe consiste à utiliser une plateforme robotique faisant appel à l’intelligence artificielle (site en anglais) pour parer à des défaillances avant qu’elles ne se produisent dans les installations en passe d’être démantelées.
« L’énergie nucléaire a un rôle très important à jouer pour faire en sorte que l’électricité que nous produirons dans le futur soit une énergie à faible intensité carbonique, fiable et durable. La robotique nucléaire est une discipline qui progresse à vive allure, et les exemples concrets de systèmes robotiques avancés que l’on peut voir à l’œuvre contribuent à rendre le déclassement nucléaire plus rapide et plus sûr pour les opérateurs humains », a fait valoir Erin Holland, doctorante à l’Université de Bristol (Royaume-Uni). Son équipe a présenté un outil de caractérisation capable d’accélérer les activités de déclassement (site en anglais) : « Nous espérons que nos travaux permettront de mieux faire connaître l’énergie nucléaire au public et de l’amener à s’y intéresser davantage, grâce à des technologies de pointe. Ce facteur est primordial si nous voulons faire de l’énergie nucléaire la pierre angulaire de la technologie énergétique pour les décennies à venir. »
Au total, 26 propositions venues de 12 pays ont été reçues et évaluées sur la base de critères tels que le degré d’innovation et la créativité. Les lauréats devaient initialement venir présenter leurs propositions à la Conférence générale de l’AIEA en septembre. Cela n’a toutefois pas été possible, en raison des restrictions de voyage dues à la COVID-19.
« Nous essayons de trouver d’autres solutions pour convier les lauréats à une conférence similaire en 2021, qui sera organisée par ou en coopération avec l’AIEA », a annoncé Vladimir Michal. « Nous espérons également renouveler ce défi en 2021 ; l’accent sera mis cette fois sur les aspects économiques et financiers, ainsi que sur la gestion des connaissances. Tenez-vous informés ! »