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Face aux obstacles, la République centrafricaine fait le choix du progrès avec la technologie nucléaire

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Isotope hydrologists prepare to collect water samples from a well in Bangui, Central African Republic, March 2017. (Photo: L. Gil/IAEA)

Bangui, République centrafricaine – Après des années d'insécurité et de conflit interne, les autorités et les scientifiques de la République centrafricaine se tournent à nouveau vers les techniques nucléaires et connexes aux fins du développement. Qu'il s'agisse d'améliorer la fertilité des sols, de mettre au point des variétés de plantes améliorées ou de connaître les ressources hydriques, avec l'aide de l'AIEA et de ses partenaires, leurs travaux s'accélèrent.

« Nous avons assez souffert du conflit », confie Kosh Komba, chercheur à l'Université de Bangui, lors d'une présentation sur la santé publique à laquelle il a assisté le mois dernier dans le cadre d'un projet de l'AIEA. « Nous ne pouvons continuer à souffrir à cause de choses que nous pouvons éviter ».

« Lorsque le conflit a éclaté en 2013, il n'existait pas de stratégie commune sur laquelle nous pouvions travailler », déclare Pilar Murillo, responsable des projets de coopération technique de l'AIEA en République centrafricaine. « Aujourd'hui, la situation est différente. Avec les autorités nationales compétentes, nous avons élaboré une nouvelle stratégie pour 2017-2021 », explique-t-elle.

Cet article présente l'état d'avancement des travaux menés dans le pays et les attentes des scientifiques participants.

Dans ce reportage photo, vous verrez des scientifiques à l'œuvre sur le terrain.

Eau

En 2010, une équipe de chercheurs de l'Université de Bangui a commencé à collaborer avec l'AIEA en vue de mieux connaître les eaux souterraines grâce à des techniques isotopiques. Avant d'être contraints à interrompre leurs travaux en 2013 en raison du conflit, les scientifiques avaient réussi à repérer des nappes souterraines vulnérables à la pollution dans la région de Bangui.

Aujourd'hui, ils sont de retour sur le terrain.

« Il est presque impossible aux scientifiques des pays voisins d'aller sur le terrain pour prélever des échantillons en raison de la présence de groupes rebelles armés », explique Éric Foto, point focal de projets en Afrique centrale. « Mais nous avons réussi à reprendre nos activités en voyageant sous la protection de collègues d’organisations non gouvernementales, car il faut bien que nous poursuivions nos travaux », ajoute-t-il.

Éric Foto dirige à Bangui une équipe de spécialistes de l'hydrologie isotopique qui vont sur le terrain pour prélever des échantillons d'eau. (Photo : L. Gil/AIEA)

En coopération avec 12 autres pays du Sahel et avec l'appui de l'AIEA, les scientifiques de l'Université de Bangui ont repris leurs activités et prélèvent des échantillons d’eaux souterraines dans le bassin du lac Tchad, dans le nord de la République centrafricaine.

Pour l'instant, grâce à des techniques isotopiques et à une collaboration avec des pays voisins, les scientifiques ont établi pour la première fois quelles étaient les sources hydriques du principal aquifère du bassin du lac Tchad : des cours d'eau venant du nord de la République centrafricaine. La connaissance de la provenance des eaux souterraines aidera désormais les décideurs à le protéger de la pollution.

Cliquez ici pour en savoir plus sur ce projet mené au Sahel.

Agriculture

Le manioc est l'aliment le plus consommé en Afrique centrale. Il contient beaucoup d’amidon, de calcium, de phosphore, de protéines et de vitamine C. Il présente un avantage déterminant : il peut être cultivé dans des environnements difficiles si le sol est amendé avec des nutriments appropriés.

Cependant, même une plante aussi résistante doit être protégée.

« On cultive du manioc dans tous les champs, mais toutes les variétés ne sont pas résistantes au changement climatique et aux maladies », explique Sila Semballa, coordonnateur du Laboratoire des sciences biologiques et agronomiques pour le développement (LASBAD) et doyen de la Faculté des sciences de l'Université de Bangui.

Plant de manioc. (Photo : L. Gil/AIEA)

En coopération avec l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'AIEA utilise des techniques d'irradiation pour améliorer le manioc et le rendre résistant à des conditions climatiques défavorables et à des maladies, comme celle due au virus de la mosaïque et la maladie des stries brunes, en République centrafricaine.

Les scientifiques utilisent l'irradiation pour induire des variations génétiques dans des végétaux. Cela permet d'augmenter la diversité génétique des cultures et peut aboutir à la mise au point de nouvelles variétés possédant des caractéristiques améliorées. En 2016, des scientifiques des Laboratoires FAO/AIEA en Autriche ont irradié des boutures de manioc qui sont maintenant plantées à titre expérimental en République centrafricaine. Les scientifiques du LASBAD ont aussi envoyé des variétés améliorées à des agriculteurs pour étendre les tests.

« Les plantes doivent être dans un environnement naturel et exposées à tous types d'agression », indique Geralde Gado Yamba Kassa, chercheur qui a passé six mois en tant que boursier en visite aux Laboratoires FAO/AIEA en 2015-2016. « Nous pouvons ainsi voir lesquelles sont résistantes. C'est une formidable occasion d'augmenter la production dans le pays », poursuit-il.

Geralde Gado Yamba Kassa examine du manioc planté à Bangui. (Photo : L. Gil/AIEA)

Un nouveau projet FAO/AIEA visant à améliorer la fertilité des sols devrait être lancé l'année prochaine. Des scientifiques internationaux formeront des gens du pays à l'utilisation de techniques dérivées du nucléaire pour mesurer la quantité d'azote dans le sol en vue d'optimiser l'utilisation d'engrais azotés.

« Nous sommes dans un pays agricole. Si nous augmentons la productivité des cultures, nous augmentons aussi les sources de revenus de millions de personnes », explique Kosh Komba, qui sera responsable du projet à l'Université de Bangui, alors qu'il nous fait visiter le laboratoire vide qui sera consacré au projet.

Radioprotection

En 2013, l'Agence nationale de radioprotection du pays, créée avec l'aide de l'AIEA pour assurer la sûreté de la manipulation des sources radioactives dans l'industrie d’extraction, a essuyé un revers.

« Les rebelles ont incendié notre bâtiment et tout notre matériel », déplore Gilbert Guido, directeur général, sur les ruines de ce qui était son bureau. « Il ne reste plus rien », se lamente-t-il.

Aujourd'hui, Gilbert Guido gère une équipe de 13 spécialistes formés par l'AIEA, qui continuent de bénéficier des bourses et des visites scientifiques de celle-ci. Dans le nouveau bureau qu'il occupe provisoirement au Ministère des mines, de l'énergie et de l'hydraulique, Gilbert Guido se réjouit de la reprise des travaux menés avant que le conflit éclate.

« Nous n'avons pas le matériel mais nous avons les personnes. Avec du personnel formé, nous espérons que nos travaux renaîtrons de leurs cendres. »

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