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Journée internationale des femmes et des filles de science : des bancs de la faculté à la gestion du combustible usé

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D’après lUNESCO, l’Afrique subsaharienne, avec 31 % de femmes parmi ses chercheurs (contre 28 % dans le monde), affiche un meilleur score que les autres régions en ce qui concerne la parité des sexes dans le domaine de la science. Les efforts de promotion des femmes doivent cependant se poursuivre tant que la parité hommes‑femmes n’aura pas été atteinte, et les nouvelles générations ont un rôle à jouer à cet égard. Pour commémorer la Journée internationale des femmes et des filles de science, l’AIEA a choisi de publier le témoignage d’une scientifique qui s’est hissée au sommet, afin d’inspirer d’autres jeunes femmes à choisir la science.

Laura McManniman a un conseil pour les jeunes femmes qui envisagent une carrière dans les sciences et les technologies nucléaires : « Croyez en vous ».

Mme McManniman, 35 ans, est spécialiste de la gestion du combustible usé à l’AIEA. Elle dirige un projet de recherche, dans le cadre duquel des scientifiques de dix pays constituent une base de connaissances techniques sur le comportement des matières et du combustible usé des réacteurs nucléaires entreposés en piscine ou à sec. Depuis son quartier défavorisé de Liverpool jusqu’au sommet du secteur nucléaire, elle a appris à s’adapter au changement et à saisir les occasions qui se présentaient, même si elle devait surmonter des obstacles dans un secteur largement dominé par les hommes.

Si certains de ces obstacles peuvent sembler anodins, ils ont eu un véritable impact sur son quotidien alors qu’elle essayait de se faire une place dans le nucléaire. Un jour, par exemple, elle s’est retrouvée coincée dans l’unité de contrôle radiologique d’une centrale nucléaire. « La centrale avait été construite dans les années 1960 et, comme aucune femme n’y travaillait à l’époque, tout y était conçu pour un homme de taille moyenne », raconte-t-elle en riant. « Comme je suis plus petite qu’un homme de taille moyenne, je ne pouvais pas atteindre la commande pour sortir ! ».

La science et la technologie nucléaires permettent de faire face à un certain nombre de problèmes, du changement climatique à l’insécurité alimentaire en passant par la COVID-19, mais la participation des femmes dans ce domaine doit être renforcée : si la moitié de la population mondiale n’est pas suffisamment représentée dans un secteur, non seulement le monde passe à côté de talents et d’idées prometteurs, mais les innovations y sont moins susceptibles de répondre aux besoins de tous. L’AIEA s’efforce donc de disposer d’une main-d’œuvre diversifiée et inclusive dans laquelle les femmes et les hommes peuvent contribuer au développement de la technologie nucléaire et en bénéficier. À cette fin, elle a récemment lancé le programme de bourses Marie Skłodowska-Curie pour motiver et encourager les femmes à faire carrière dans les sciences nucléaires et à promouvoir le progrès scientifique et technologique dans leur pays.

Grandissant dans la ville des Beatles et du célèbre club de football, Mme McManniman a été scolarisée dans un quartier défavorisé. Elle s’est découvert une passion pour la chimie grâce à des programmes pour enfants doués en sciences, puis a étudié à l’université de Liverpool. « Comme j’étais la première de la famille à faire des études universitaires, mes parents m’ont beaucoup soutenue », confie-t-elle. Elle habite aujourd’hui à Vienne avec son mari et ses deux enfants, âgés de six et neuf ans.

Mme McManniman a entamé des études en développement pharmaceutique, mais elle s’est rendu compte qu’elle ne voulait pas se limiter au travail de laboratoire. Lorsqu’elle a entendu parler des perspectives de carrière dans le nucléaire, elle a compris que cette orientation lui permettrait de rester dans le domaine scientifique tout en travaillant à l’international. « C’était clairement une chimiste très motivée et talentueuse », déclare Cate Cropper, une ancienne camarade de classe, « et elle est devenue aussi une brillante spécialiste du nucléaire ».

Poussée par ses ambitions, une fois diplômée, Mme McManniman a décroché un emploi chez Sellafield Ltd. (anciennement British Nuclear Group), dans le comté de Cumbria (nord-ouest de l’Angleterre). Beaucoup de ses amis avaient des doutes sur sa place dans le nucléaire. « J'ai entendu plus de références à Homer Simpson et au fait de briller dans le noir que je ne l'aurais souhaité, mais c’était la bonne décision », affirme‑t‑elle.

Elle a commencé par concevoir et effectuer des tests de mise en service pour une unité d’évaporation de l’usine de retraitement de combustible (THORP), à Sellafield. David Hughes, alors ingénieur en chef des procédés, raconte qu’elle s’est vite fait connaître et a gagné la confiance de l’équipe grâce à son calme, sa confiance en elle et l’efficacité avec laquelle elle repérait et résolvait les problèmes. 

Dans sa carrière, Mme McManniman a aussi dû faire face à des difficultés liées à sa condition de femme. Elle a dû porter d'énormes combinaisons de protection, par exemple, les installations et les équipements n’étant tout simplement pas conçus pour les femmes, car peu d’entre elles y travaillaient.

Faire partie d’une « minorité professionnelle » peut parfois être décourageant, mais Mme McManniman n’a jamais douté de son choix de carrière. « En travaillant sur le terrain, j’ai vu les choses différemment et j’ai pu mieux comprendre les détails techniques et la nécessité de prendre du recul, d’avoir une vue d’ensemble », explique-t-elle. C’est après avoir assisté à une réunion technique de l’AIEA, en 2009, qu’elle a décidé de se spécialiser dans l’entreposage du combustible usé. « Les choses évoluent dans l’industrie nucléaire. Le nombre de femmes augmente, dans ce secteur comme dans d’autres, et la problématique hommes-femmes est de plus en plus prise en considération ».

Mme McManniman (à droite) a rejoint la Section du cycle du combustible nucléaire et des matières nucléaires de l’AIEA en 2018.

Lorsqu’elle a rejoint l’AIEA en 2018, « Laura a apporté son savoir-faire et a donné une nouvelle dynamique à l’équipe », déclare le chef de la Section du cycle du combustible nucléaire et des matières nucléaires de l’AIEA, Clément Hill. « Comme 30 pays seulement exploitent actuellement des centrales nucléaires, l’expertise et l’expérience dans ce domaine sont plutôt rares. Il est essentiel de motiver davantage de femmes à rejoindre ce secteur pour atteindre la parité dans les effectifs. L’exemple de Laura montre aux jeunes générations que c’est possible ».   

Mme McManniman siège également au conseil d’administration du Congrès international des jeunes dans le nucléaire, où elle plaide en faveur d’une industrie nucléaire plus inclusive, non seulement pour les femmes mais aussi pour les jeunes. « Dans les pays qui se lancent dans le nucléaire comme dans ceux qui en sortent, l’électronucléaire offrira des possibilités de carrière dans divers domaines pendant de nombreuses années », assure-t-elle. « Il est primordial d’attirer les jeunes dans ce secteur pour remplacer la main-d’œuvre vieillissante de nombreux pays et préserver son savoir-faire ».

En suivant les traces de pionniers comme Mme McManniman, la nouvelle génération contribuera à façonner l’avenir de l’industrie nucléaire, non seulement en veillant à ce qu’il y ait des bottes et des vêtements de protection aux bonnes tailles, mais aussi en prônant une vision inclusive dans laquelle les hommes et les femmes sont représentés à égalité.

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