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Au-delà de la production d’électricité : l’électronucléaire au service des applications non électriques

Le nucléaire expliqué
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De nombreuses applications autres que la production d’électricité peuvent tirer parti de l’électronucléaire. (Image : A. Vargas/AIEA)

Pour mettre en place une économie mondiale neutre en carbone, il faut décarboner tous les secteurs qui dépendent largement des combustibles fossiles actuellement, notamment le chauffage et les procédés industriels nécessitant combustion et transport, en particulier les transports lourds, le transport maritime et le transport aérien. Le nucléaire, qui produit environ 10 % de l’électricité mondiale, est après l’énergie hydroélectrique la deuxième source mondiale d’énergie bas carbone, d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Le nucléaire peut également être utilisé pour décarboner les applications non électriques.

Que sont les applications non électriques ?

Outre la production d’électricité, beaucoup d’autres applications peuvent utiliser l’électronucléaire. Ces applications, qui ont besoin de chaleur, sont notamment le dessalement de l’eau de mer, la production d’hydrogène, le chauffage urbain, la chaleur industrielle (fabrication de verre et de ciment, métallurgie), le raffinage et la production de gaz de synthèse. Alors que la communauté internationale s’efforce d’atteindre les objectifs climatiques, un rôle accru du nucléaire dans ces applications pourrait être déterminant pour la transition vers une énergie propre.

Apprenez comment le nucléaire peut remplacer le charbon dans la transition vers une énergie propre.

La chaleur des centrales nucléaires sert à produire de la vapeur qui actionne les turbines de générateurs. Les parcs nucléaires actuels atteignent des températures d’exploitation de l’ordre de 300 °C, alors que le chauffage urbain et le dessalement de l’eau de mer nécessitent environ 150 °C. De par leur conception, les centrales nucléaires convertissent actuellement un tiers de la chaleur produite en électricité, pour des raisons techniques tenant principalement aux propriétés et performances des matières. La chaleur restante est généralement rejetée dans l’environnement.

Au lieu d’être rejetée, elle pourrait être utilisée pour le chauffage ou le refroidissement, ou comme source d’énergie pour produire de l’eau douce, de l’hydrogène ou d’autres produits, comme du pétrole ou du carburant synthétique. Ces produits peuvent être générés par les centrales existantes : c’est ce qu’on appelle la cogénération. La cogénération nucléaire est la production simultanée d’électricité et de chaleur ou d’un produit dérivé de la chaleur. En utilisant la chaleur pour la cogénération, l’efficacité thermique peut être améliorée jusqu’à 80 %.

Qu’est-ce que l’énergie nucléaire et comment fonctionne une centrale nucléaire ? Pour en savoir plus sur la science de l’électronucléaire.

 

Électronucléaire et production d’hydrogène

L’hydrogène peut remplacer les combustibles fossiles dans de nombreux secteurs et pourrait permettre d’atteindre des émissions nulles ou quasi nulles dans les processus chimiques et industriels, les systèmes d’énergie propre et les transports. L’hydrogène est produit actuellement à partir du processus de reformage du méthane à la vapeur, un processus à forte intensité énergétique qui rejette environ 830 millions de tonnes de CO2 par an, soit autant que les émissions de CO2 du Royaume-Uni et de l’Indonésie réunis, selon l’AIE. Plusieurs méthodes permettent d’utiliser l’énergie nucléaire comme source d’électricité et de chaleur pour produire de l’hydrogène efficacement avec peu ou pas d’émissions de CO2.

Électronucléaire et chauffage urbain

Dans le chauffage urbain, la chaleur produite par une centrale énergétique est fournie aux immeubles résidentiels et commerciaux. Dans le cas du chauffage urbain nucléaire, la vapeur produite par une centrale nucléaire est acheminée à travers les réseaux de chauffage régionaux. Cette pratique est appliquée dans plusieurs pays : Bulgarie, Chine, Hongrie, République tchèque, Roumanie, Russie, Slovaquie, Suisse et Ukraine.

L’Akademik Lomonosov, première centrale nucléaire flottante au monde, dont l’exploitation commerciale a débuté en mai 2020, fournit de la chaleur à la région de Tchoukotka, dans l’extrême nord-est de la Russie. Depuis 1983, la centrale nucléaire de Beznau (Suisse) fournit de la chaleur aux communes, aux particuliers, à l’industrie et aux agriculteurs, soit environ 20 000 personnes en tout. Le réseau de chauffage principal a une longueur de 31 km. À partir de celui-ci, la chaleur est transférée vers des réseaux secondaires d’une longueur totale de 99 km.

En Chine, le projet de chauffage à l’énergie nucléaire de Haiyang est en pleine expansion. Le réseau de chauffage utilisant la vapeur des deux réacteurs de Haiyang est devenu opérationnel à la fin de 2020 et la première phase du projet devrait permettre d’éviter l’utilisation de 23 200 tonnes de charbon par an et l’émission de 60 000 tonnes de CO2. Ce projet est un exemple de la manière dont l’énergie nucléaire peut jouer un rôle dans la décarbonation du chauffage résidentiel et de la valeur ajoutée de l’exploitation d’une centrale nucléaire en mode cogénération. À la fin de 2021, il fournira de la chaleur à toute la ville de Haiyang, ville côtière de la province de Shandong qui compte environ 670 000 habitants.

Électronucléaire et dessalement

Le dessalement de l’eau de mer peut contribuer à répondre à la demande croissante d’eau potable tout en atténuant les pénuries d’eau dans de nombreuses zones côtières arides ou semi-arides. Les usines de dessalement ont besoin d’énergie sous forme de chaleur pour la distillation ou d’énergie électrique ou mécanique pour actionner les pompes de pressurisation de l’eau de mer à travers les membranes afin d’ôter le sel des eaux salines. Actuellement, cette énergie provient en grand partie des combustibles fossiles. Le dessalement nucléaire est une solution bas carbone utilisant la chaleur et l’électricité d’un réacteur nucléaire. Les techniques de dessalement peuvent être combinées à différents types de centrales nucléaires pour produire simultanément de l’eau et de l’électricité.

La faisabilité des usines de dessalement nucléaires intégrées a été confirmée par une expérience de plus de 150 années-réacteurs, principalement en Inde, au Japon et au Kazakhstan. Le réacteur nucléaire d’Aktau (Kazakhstan), au bord de la mer Caspienne, a produit jusqu’à 135 MWe d’électricité et 80 000 m3 d’eau potable par jour pendant 27 ans, jusqu’à son arrêt en 1999. Au Japon, plusieurs installations de dessalement liées à des réacteurs nucléaires produisent environ 14 000 m3 d’eau potable par jour. En 2002, une centrale de démonstration couplée à deux réacteurs nucléaires de 170 MWe a été mise en place à la centrale atomique de Madras, dans le sud-est de l’Inde. Il s’agit de la plus grande usine de dessalement nucléaire basée sur une technologie hybride thermique et osmotique utilisant l’eau de mer et la vapeur à basse pression d’une centrale nucléaire.

Initiatives pour applications non électriques

Seul 1 % environ de l’énergie nucléaire est actuellement utilisée pour des applications non électriques mais dans le monde entier - au Royaume-Uni, en France, en Russie, au Japon et ailleurs - des initiatives sont prises en vue d’une adoption plus large. Ainsi, l’initiative H2-@-Scale lancée en 2016 par les États-Unis vise à examiner les perspectives de production d’hydrogène au moyen de l’énergie nucléaire. Au Canada, les Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) prévoient de lancer le parc de démonstration, d’innovation et de recherche sur l’énergie propre (DIREP), site d’essai pour les applications de cogénération utilisant des petits réacteurs modulaires.

En Chine, un petit réacteur modulaire à haute température refroidi par gaz devrait entrer en service d’ici la fin de 2021. Le réacteur est conçu pour assurer la production d’électricité, la cogénération, la chaleur industrielle et la production d’hydrogène. Le Japon a redémarré son réacteur expérimental à haute température (HTTR) en juillet 2021. La chaleur produite est utilisée pour la production d’électricité, le dessalement de l’eau de mer et la production d’hydrogène par un procédé thermochimique.

Dans la gamme des 250-550 °C, le marché européen de la chaleur représente plus de 100 gigawatts thermiques (GWth) et le nucléaire pourrait s’attaquer à ce marché. La Pologne dépend à 100 % des combustibles fossiles pour la production de chaleur mais le déploiement du nucléaire dans ce domaine est prévu dans la stratégie de développement du pays.

Quel est le rôle de l’AIEA ?

  • L’AIEA soutient et facilite la mise au point d’applications non électriques nouvelles et émergentes des technologies nucléaires par des publications scientifiques et techniques, des webinaires et des projets de recherche coordonnés.
  • L’AIEA a mis au point des outils logiciels tels que le programme d’évaluation économique de l’hydrogène (HEEP) et le calculateur d’hydrogène pour évaluer les possibilités de production d’hydrogène. Ces deux outils peuvent être téléchargés ici.
  • Pour évaluer le dessalement nucléaire, l’AIEA a mis au point le logiciel d’évaluation économique du dessalement (DEEP) et le programme d’optimisation thermodynamique du dessalement (DE-TOP), qui permettent d’effectuer des analyses économiques, thermodynamiques et d’optimisation de différentes ressources énergétiques couplées à divers procédés de dessalement. Ces logiciels peuvent être téléchargés ici.
  • L’AIEA coordonne des études de faisabilité sur le dessalement nucléaire depuis 1989. Le Groupe de travail technique sur le dessalement nucléaire de l’AIEA est un réseau mondial d’experts qui soutient l’évaluation et la planification du programme, la recherche, la mise au point, la conception, la construction, l’étude des aspects économiques et des aspects de la sûreté, la collaboration internationale en vue de projets de démonstration, et l’exploitation et la maintenance.

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