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Enrayer la propagation des zoonoses : le réseau VETLAB

Elodie Broussard

Des vétérinaires apprennent à vérifier et valider les analyses de diagnostic moléculaire lors d’une formation pratique aux laboratoires de Seibersdorf.

(Photo : AIEA)

L’apparition chez l’homme, fin 2019, du virus d’origine animale responsable de la COVID-19 a totalement bouleversé notre univers. Si la COVID-19 est la première maladie en plus d’un siècle à briser le cours de nos activités quotidiennes et à paralyser l’économie mondiale, ce n’est pas la première à passer de l’animal à l’homme.

Plus de 60 pour cent des maladies qui touchent aujourd’hui l’être humain trouvent leur origine dans le monde animal, et c’est grâce aux efforts déployés pour mieux les surveiller et les combattre qu’elles ont pu être stoppées dans leur course. D’où l’importance des initiatives mondiales telles que le Réseau de laboratoires diagnostiques vétérinaires (VETLAB), qui permet aux laboratoires vétérinaires d’échanger informations et bonnes pratiques et de s’entraider. Géré par l’AIEA en partenariat avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ce réseau est financé grâce à l’Initiative sur les utilisations pacifiques et au Fonds pour la renaissance africaine et la coopération internationale.

« Ces huit dernières années, le réseau VETLAB a aidé plus de 60 pays à détecter rapidement et à combattre des maladies animales et des zoonoses, notamment la maladie à virus Ebola, la grippe aviaire et, dernièrement, la COVID-19 », déclare Charles Lamien, spécialiste de la santé animale à la Division mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture. « Les maladies ne connaissant pas de frontières, il nous faut travailler ensemble pour empêcher leur émergence, leur réapparition et leur propagation. Le réseau VETLAB est un outil efficace à cet égard. »

Créé en 2012, le réseau regroupe 71 laboratoires implantés dans 45 pays d’Afrique et 19 pays d’Asie, et son extension à l’Europe centrale et orientale, à l’Amérique latine et aux Caraïbes est en cours. Ces laboratoires s’emploient, dans le cadre d’efforts conjoints et avec le concours d’experts de la Division mixte FAO/AIEA, à exploiter les méthodes nucléaires et dérivées du nucléaire et d’autres techniques pour surveiller, détecter précocement, diagnostiquer et combattre les maladies (voir l’encadré « En savoir plus »).

Grâce au soutien de l’AIEA, nous avons pu juguler l’épidémie en trois mois.
Tserenchimed Sainnokhoi, Directeur adjoint du Laboratoire vétérinaire central de l’État (Mongolie)

Intervention rapide

Le réseau VETLAB a essentiellement pour mission de permettre aux pays de réagir rapidement aux épidémies. Il a joué un rôle clé dans la lutte contre l’épidémie de grippe aviaire qui a frappé l’Afrique en 2017 et mis en péril le secteur avicole des six pays touchés - un secteur qui génère un milliard de dollars.

Par l’intermédiaire du réseau, les vétérinaires des laboratoires des pays concernés ont très vite reçu des instructions dûment mises à jour pour lutter contre l’épidémie et ont pu se procurer les fournitures de laboratoire nécessaires, comme des réactifs et des matières de référence pour la détection et la caractérisation du virus, si bien que, dès la mi-2018, l’épidémie était sous contrôle.

Prêts à analyser

Lorsqu’il s’agit de détecter et de combattre des maladies, il est important d’analyser le plus tôt possible des échantillons prélevés sur des animaux ou des individus potentiellement infectés. Les pays qui ne disposent pas du personnel qualifié et du matériel nécessaire sont contraints d’envoyer les échantillons à des laboratoires situés à l’étranger, ce qui peut se révéler coûteux et chronophage.

Pour résoudre ce problème, le réseau VETLAB aide les pays à se doter de capacités d’analyse. Il facilite notamment la mise en place de systèmes efficaces de gestion de la qualité, ce qui a permis à certains des laboratoires les plus avancés d’obtenir des accréditations internationales.

Combattre la peste porcine africaine

En 2018, lorsque la peste porcine africaine est apparue en Asie, les vétérinaires africains avaient déjà partagé avec leurs homologues asiatiques, par l’intermédiaire du réseau VETLAB, l’expérience qu’ils avaient acquise après plusieurs décennies de lutte contre le virus. Les pays asiatiques ont ainsi pu élaborer des stratégies de détection et de gestion efficaces.

Ainsi préparés, les experts du Cambodge, de l’Indonésie, de la Mongolie, du Myanmar, de la République démocratique populaire lao et du Viet Nam ont pu tirer plus rapidement et plus facilement parti de l’assistance d’urgence fournie dans le cadre du programme de coopération technique de l’AIEA. La Malaisie et la Thaïlande ont aussi reçu du matériel de détection précoce et de diagnostic.

En Mongolie, l’épidémie a touché plus de 80 exploitations porcines mais, grâce à l’aide prodiguée via le réseau VETLAB, seuls 3 000 des 28 000 porcs présentant un risque de contamination ont dû être abattus pour enrayer la propagation de la maladie. « Plusieurs membres de nos équipes ont été formés préventivement par l’AIEA et nous avons reçu du matériel avant que l’épidémie ne se déclenche, explique le Directeur adjoint du Laboratoire vétérinaire central de l’État de Mongolie, Tserenchimed Sainnokhoi. Grâce au soutien de l’AIEA, nous avons pu la juguler en trois mois. »

ZODIAC

Les dizaines d’années d’expérience et de collaboration accumulées dans le cadre du réseau VETLAB devraient jouer un rôle clé dans le projet d’action intégrée contre les zoonoses (ZODIAC) de l’AIEA. Lancé en 2020 en pleine pandémie de COVID-19, ce projet vise à tisser un réseau international de laboratoires s’appuyant en partie sur le réseau VETLAB, afin de centraliser les efforts d’anticipation et de prévention des épidémies de zoonoses.

« Il est important de surveiller ce qui se passe chez les animaux, tant sauvages que d’élevage, et d’agir rapidement, avant que les pathogènes ne se transmettent à l’homme », souligne Gerrit Viljoen, chef de la Section de la production et de la santé animales de la Division mixte FAO/AIEA.

EN SAVOIR PLUS

Le dosage immuno-enzymatique (ELISA) et la réaction en chaîne par polymérase avec transcription inverse en temps réel (RT-PCR en temps réel) sont deux techniques dérivées du nucléaire couramment employées pour diagnostiquer les maladies.

Simple à mettre en place et à utiliser, la technique ELISA peut être utilisée par n’importe quel laboratoire vétérinaire ou médical. Les scientifiques déposent, sur une plaque de microtitration recouverte d’un antigène spécifique, un échantillon de sérum prélevé sur un animal et préalablement dilué. Si l’échantillon contient les anticorps correspondant à la maladie, ceux-ci se lient à l’antigène et un anticorps secondaire marqué à l’aide d’une enzyme modifie la couleur du liquide, confirmant ainsi la présence de la maladie. La méthode ELISA est souvent utilisée pour les tests initiaux et sert principalement (mais pas exclusivement) à détecter des anticorps. Elle a été mise au point à partir de la technique de dosage radio-immunologique, dans laquelle les anticorps étaient initialement marqués au moyen d’isotopes radioactifs.

La RT-PCR en temps réel nécessite un matériel et des procédures plus complexes que la technique ELISA. Extrêmement sensible et fiable, elle est particulièrement adaptée pour détecter des génomes viraux et bactériens spécifiques. Elle permet, grâce à une enzyme, de répliquer, ou amplifier, un fragment spécifique de l’ADN d’un agent pathogène plusieurs milliards de fois en une demi-heure à peine. Les scientifiques détectent et surveillent l’amplification de l’ADN grâce à des isotopes radioactifs ou en mesurant la quantité de substance fluorescente émise au cours du processus.

11/2020
Vol. 61-4

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