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L’AIEA lance un projet visant à aider les pays à combattre la fraude alimentaire

14/2019
Vienne (Autriche)

L’analyse des isotopes stables permet de distinguer du miel de manuka authentique (à droite) d’une contrefaçon. Le nouveau projet de l’AIEA facilitera l’application de cette technique pour combattre la fraude sur les produits alimentaires haut de gamme. (Photo : A. Cannavan/AIEA)

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a lancé un projet de recherche de cinq ans qui regroupe des experts de 16 pays, afin d’améliorer l’application des techniques dérivées du nucléaire pour vérifier l’exactitude de l’étiquetage alimentaire.

Les résultats de ce projet, exécuté en coopération avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), aideront les pays à combattre la fraude sur les produits alimentaires à forte valeur marchande comme le miel de qualité supérieure, le café et les variétés de riz spéciales.

« De nombreux aliments sont vendus à des prix supérieurs parce qu’ils ont été produits selon une méthode spécifique ou dans une région particulière, explique le coordonnateur de projet et spécialiste de la sécurité sanitaire des aliments de l’AIEA, Simon Kelly. Pour protéger les consommateurs contre la fraude et d’éventuels problèmes involontaires de sécurité sanitaire des aliments, nous devons appliquer des méthodes normalisées permettant de confirmer que le produit examiné possède bien les caractéristiques indiquées sur son étiquette. »

Les pays participant au projet apprendront à appliquer les techniques faisant appel aux isotopes stables pour protéger et promouvoir des aliments à valeur ajoutée, comme les produits biologiques ou les produits d’origine géographique spécifique, notamment le café Blue Mountain de Jamaïque. La méthode consiste à calculer le ratio des isotopes stables dans des éléments tels que l’hydrogène, l’oxygène et le carbone et à mesurer la concentration de ces éléments dans un échantillon, de façon à obtenir une empreinte unique indiquant le lieu d’origine du produit examiné.

« L’ADN d’une personne renseigne sur sa filiation, mais pas sur l’endroit où elle a grandi, explique Russell Frew, professeur de chimie à l’Université d’Otago (Nouvelle-Zélande) et un des experts participant au projet. Les isotopes qu’un organisme a absorbés dans l’environnement, en revanche, permettent de savoir où cet organisme a été cultivé ».

Auparavant, M. Frew a travaillé au Laboratoire de la protection des aliments et de l’environnement du Programme mixte FAO/AIEA à Seibersdorf (Autriche), où il a contribué à mettre au point la technique faisant appel aux isotopes stables pour déterminer l’authenticité du miel de manuka. « D’après les chiffres, on consommerait six fois plus de miel de manuka qu’on n’en produit », indique-t-il. Cette variété de miel, produite à partir du nectar des fleurs de manuka, en Nouvelle-Zélande, est réputée pour ses propriétés antimicrobiennes naturelles, et son prix peut atteindre jusqu’à 1 000 dollars néozélandais (un peu moins de 600 euros) du kilo.

Nives Ogrinc, professeur d’écotechnologie à l’Institut Jozef Stefan (Slovénie), envisage de faire appel à cette technique pour préserver la qualité et protéger l’appellation géographique des truffes slovènes, un produit au commerce lucratif. « Le prix des truffes blanches peut aller jusqu’à 2 300 euros du kilo, déclare-t-il. Cela représente un marché considérable et, par conséquent, la fraude est très répandue. On s’intéresse également aux fruits et aux légumes, notamment les fraises, les cerises et l’ail. »

La fraude touche de plus en plus l’industrie alimentaire à l’échelle mondiale et nuit aux exportations. Le projet aidera les pays en développement à se conformer davantage aux prescriptions réglementaires, ce qui favorisera les échanges.

Le riz thaï Hom Mali, qui représente entre 13 et 18% des exportations de riz thaï, fait partie des produits concernés par la fraude. Cette variété de riz long grain aromatique de qualité supérieure est produite dans le nord et le nord-est du pays, où les conditions climatiques et les propriétés du sol sont idéales. « Nous n’avons pas de laboratoire pour effectuer ce type d’analyse, dit Wannee Srinuttrakul, chercheuse à l’Institut thaïlandais de technologie nucléaire. C’est pourquoi je voudrais apprendre à utiliser cette méthode ».

Prisé pour son arôme et sa faible acidité, le Blue Mountain de Jamaïque est un des cafés les plus chers du monde, ce qui l’expose à la contrefaçon. « Il est primordial que nous protégions notre café, affirme Leslie Ann Hoo Fung, chercheuse au Centre international de sciences environnementales et nucléaires de Kingston (Jamaïque). Nous voulons appliquer les techniques nucléaires pour distinguer le Blue Mountain du High Mountain, par exemple, qui ne se situe pas dans la même gamme de prix ». La Jamaïque envisage également d’appliquer la technique faisant appel aux isotopes stables à d’autres produits nationaux haut de gamme, comme le cacao et le rhum.

La réunion de lancement du projet de recherche a eu lieu la semaine dernière. Le projet durera cinq ans et compte parmi ses participants la Chine, le Costa Rica, le Danemark, l’Espagne, l’Inde, l’Indonésie, l’Italie, la Jamaïque, le Japon, la Malaisie, le Maroc, le Myanmar, la Nouvelle-Zélande, la Slovénie, la Thaïlande et l’Uruguay.

L’AIEA, en collaboration avec la FAO, aide ses États Membres à utiliser les techniques nucléaires et apparentées pour améliorer la sécurité sanitaire des aliments, la sécurité alimentaire et les pratiques agricoles durables au moyen de solutions scientifiques. En 2018, la FAO et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement ont publié un rapport présentant les avantages que les systèmes solides de détermination de l’origine géographique des aliments apportent aux communautés rurales.

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