Dans la région sahélienne semi-aride de Ségou, dans le centre du Mali, les petits agriculteurs ont souvent du mal à produire suffisamment de nourriture pour la population grandissante, et les modifications du régime pluviométrique dues au changement climatique accentuent ces difficultés. L’AIEA travaille avec des scientifiques de la région au renforcement de la sécurité alimentaire à l’aide de techniques d’une agriculture intelligente face au climat afin d’améliorer la gestion de l’eau et la fertilité des sols. Depuis 2014, en partenariat avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’AIEA donne des conseils d’experts et fournit du matériel de laboratoire et de terrain ainsi que des consommables pour l’emploi de techniques nucléaires et isotopiques afin de suivre l’efficience d’utilisation des engrais et de l’eau. Les agriculteurs participants ont déclaré que le rendement des cultures avait augmenté de 37 % et que la consommation d’eau aux fins de l’irrigation avait diminué de 43 %.
« Les 500 petits producteurs, qui sont majoritairement des femmes, ont transformé des terres peu productives en terrains agricoles fertiles », indique Justin Diallo, chef du Bureau Statistiques Suivi Évaluation et Communication de la Direction régionale de l’agriculture de Ségou.
« Les producteurs étaient confrontés à un problème d’eau, en particulier pendant la saison sèche. Grâce à l’installation de ce nouveau système et à la formation qu’ils ont reçue, ils ont appris à mieux gérer les besoins en eau des cultures. On revient à la culture de tomates, qui avait été abandonnée », ajoute-t-il.
Les petits agriculteurs produisent plus de 70 % des légumes disponibles sur le marché dans la région. Le rendement des cultures dépend de l’apport en engrais et de l’humidité des sols, souvent pauvres en azote. Par rapport aux exploitations plus grandes et mieux développées, qui ont accès à des systèmes d’irrigation et à des engrais, la plupart des petits producteurs manquent de capacités, d’infrastructures et de financements pour faire face à l’irrégularité du régime pluviométrique due au changement climatique. Ils ont souvent besoin de l’aide d’experts en matière de cultures durables et pour changer les méthodes de gestion des sols qui contribuent à l’accélération de la dégradation et de la salinisation des sols. Pour les aider à améliorer leurs pratiques et à préserver les ressources, les scientifiques utilisent des techniques isotopiques pour déterminer les quantités d’azote et d’eau absorbées par les plantes, dans le but d’apporter ces éléments en quantité appropriée et au moment opportun pour accroître la production des cultures à forte valeur.
L’absorption des engrais par les cultures varie selon celles-ci et le type de sol. L’azote est un composant de la chlorophylle, composé chimique responsable de la photosynthèse, qui est le processus par lequel les plantes convertissent l’énergie de la lumière du soleil en énergie chimique. Dans le cadre de son programme de coopération technique, l’AIEA a formé plus de 50 scientifiques maliens à l’utilisation d’engrais marqués par un isotope stable, l’azote 15 (ou 15N, atome d’azote possédant un neutron supplémentaire), afin de les aider à suivre le devenir de l’azote dans les cultures pour déterminer l’efficience de l’absorption des engrais. Cela contribue à optimiser l’usage des engrais par les agriculteurs.
De plus, l’équipe scientifique malienne a été formée à l’utilisation d’un capteur d’humidité du sol permettant de mesurer la quantité d’eau présente dans le sol et de calculer les besoins en eau des cultures. Elle a également reçu de l’engrais marqué au 15N qui lui servira à quantifier l’efficience d’utilisation des engrais et a travaillé avec le modèle AquaCrop de la FAO, qui simule la réponse des cultures à l’eau. « Ce système suscite un immense intérêt et nous a donné des résultats visibles et concrets », déclare Justin Diallo.
« Les participants transfèrent les connaissances pour aider les agriculteurs locaux à améliorer l’utilisation de l’eau et des éléments nutritifs des cultures à haute valeur ajoutée. Cette diffusion des connaissances a eu un effet considérable sur les communautés locales au Mali. L’analyse de l’eau des sols peut appuyer les décisions visant à établir des systèmes d’irrigation appropriés qui fournissent directement et avec précision de petites quantités d’eau aux cultures », explique Daba Coulibaly, qui coordonne le projet à l’École nationale d’ingénieurs (ENI-ABT) de Bamako, la capitale du pays. « Grâce au passage de l’arrosage manuel à l’irrigation au goutte-à-goutte, et à l’assurance d’un approvisionnement constant en eau à partir d’un trou de forage équipé d’une pompe, combiné à l’application d’engrais en temps voulu, les agriculteurs ont pu augmenter les rendements de 46 à 63 tonnes par hectare, soit une croissance de 37 % ».
De plus, les données collectées auprès des agriculteurs montrent une baisse de 43 % de la consommation d’eau pour l’irrigation. « Les économies en eau sont vitales pour l’élevage et permettent d’améliorer encore la sécurité alimentaire et les revenus des agriculteurs », fait remarquer Daba Coulibaly.
Fort de son succès initial, le projet se développe et un partenariat a été établi avec l’organisation Sahel21, fruit d’une collaboration entre l’Université de Ségou et l’Institut d’économie rurale (IER) du Mali, en vue d’étendre l’initiative relative à l’irrigation au goutte-à-goutte pour en faire bénéficier des centaines d’autres petits agriculteurs.
« L’objectif global est de créer des capacités en agriculture durable dans l’ensemble du Mali pour permettre l’adaptation au changement climatique, augmenter les rendements des cultures pour la population malienne, réduire autant que possible la dégradation des terres et améliorer les conditions de vie », affirme Lee Kheng Heng, chef de la Section de la gestion des sols et de l’eau et de la nutrition des plantes de la Division mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture.