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Comment la technologie nucléaire pourrait révolutionner le recyclage du plastique

L’initiative NUTEC Plastics vise à aider les pays à rechercher les microplastiques dans le milieu marin et utilise les techniques nucléaires pour améliorer le recyclage. (Photo : Brian Yurasits/ Ocean Image Bank.)

Il est partout. Des bouteilles d’eau aux appareils médicaux, en passant par les matériaux de construction, le plastique fait partie intégrante de notre vie quotidienne. Pourtant, seuls 9 % des objets en plastique sont recyclés. Les autres deviennent des déchets, qui viennent polluer les mers, les océans, les décharges, les sols et même l’air que nous respirons.

Rien qu’au cours de l’année dernière, le monde a généré 400 millions de tonnes de déchets plastiques. De nombreux produits en plastique ne sont pas conçus pour être réutilisés et recyclés, et d’autres ne peuvent être recyclés qu’à une ou deux reprises. Le plastique n’est pas non plus biodégradable. Plutôt que de se décomposer, les matières plastiques jetées se divisent en minuscules particules, appelées « microplastiques », qui peuvent être toxiques pour les humains et pour l’environnement.

Mais c’est là qu’une solution innovante entre en jeu : la science nucléaire. L’AIEA se sert de la technologie nucléaire à la fois pour comprendre et pour résoudre la crise de la pollution plastique. L’initiative NUTEC Plastics, lancée en 2021, vise à aider les pays à rechercher les microplastiques dans le milieu marin et utilise les techniques nucléaires pour améliorer le recyclage et ainsi diminuer le flux de déchets plastiques dans l’océan.

À l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, nous avons interrogé Celina Horak, une experte de l’AIEA spécialiste de l’utilisation des rayonnements aux fins du recyclage du plastique.

Celina Horak à une manifestation parallèle consacrée à l’initiative NUTEC Plastics lors de la Conférence internationale sur les applications de la science et de la technologie des rayonnements (#ICARST2025), Vienne, 8 avril 2025. (Photo : AIEA).

Comment la science nucléaire peut-elle nous aider à éviter que les déchets plastiques ne se retrouvent dans les océans et dans notre quotidien ?

La science nucléaire offre des solutions innovantes pour lutter contre ce type de pollution tout au long du cycle de vie du plastique. Mais nous devons avant tout comprendre les causes profondes du problème. D’après les études, environ 80 % des déchets plastiques présents dans les océans trouvent leur source sur la terre ferme (le reste provient de sources utilisées dans l’océan, telles que les filets de pêche), ce qui signifie que nous devons absolument agir en amont, sur terre.

L’AIEA est équipée de technologies de pointe et travaille sur deux fronts. D’une part, nous nous servons des rayonnements pour créer des plastiques biosourcés, qui offrent une solution durable pour remplacer les plastiques conventionnels fabriqués à partir de pétrole. En d’autres termes, nous travaillons sur de nouvelles matières, à la fois biodégradables et facilement recyclables. Cette approche permet non seulement d’être moins dépendants des combustibles fossiles, mais également de soutenir les économies circulaires en transformant les déchets organiques en ressources précieuses.

D’autre part, nous utilisons la technologie des rayonnements pour transformer les déchets plastiques en produits plus durables, plus résistants et de plus grande valeur. Par exemple, on peut améliorer les performances du béton en remplaçant partiellement le ciment par des plastiques recyclés au moyen de rayonnements. Les techniques nucléaires facilitent le tri et la séparation des polymères dans les flux de déchets plastiques mixtes. Nous cherchons également à savoir comment la pyrolyse radio-assistée pourrait aider à transformer les plastiques en cire, en carburant ou en d’autres additifs chimiques utiles.

Si nous irradions les plastiques pour les traiter, est-ce que les nouveaux produits ne seront pas dangereux ?

Pas du tout. En réalité, c’est plutôt le contraire. Les rayonnements sont considérés comme une sorte de « chimie verte », car ils nous permettent de traiter des matériaux sans utiliser de produits chimiques toxiques ni recourir à des conditions extrêmes comme des températures ou des niveaux de pression élevés. Lorsque nous utilisons des rayonnements pour créer de nouveaux plastiques biosourcés ou surcycler des déchets plastiques, le processus est propre, efficace et respectueux de l’environnement.

Et les rayonnements en eux-mêmes ne restent pas dans les matériaux. Tout comme lors d’une radiographie dentaire, ils passent à travers l’organisme mais n’y restent pas. Le même principe s’applique ici : le traitement ne rend pas les matériaux radioactifs, leur utilisation est totalement sûre.

Vous parlez d’utiliser la technologie nucléaire pour améliorer le recyclage du plastique. Est-elle déjà utilisée à cette fin ?

Sur les 52 pays qui travaillent avec l’AIEA dans le cadre de l’initiative NUTEC Plastics à des fins de recyclage, neuf ont déjà mis sur pied des projets pilotes, pour concrétiser leurs idées. Ces pays progressent rapidement sur ce que l’on appelle « l’échelle des niveaux de maturité technologique », un cadre en neuf étapes mondialement reconnu qui permet d’évaluer le niveau de maturité des technologies, de l’étape du concept jusqu’au déploiement commercial.

Nous constatons déjà des résultats tangibles et très prometteurs.

En Indonésie et aux Philippines, des composites bois-plastique sont mis au point pour la construction durable.  En Malaisie, les déchets plastiques sont transformés en carburant. En Argentine, des traverses de voies ferrées durables fabriquées à partir de plastiques recyclés affichent déjà de bonnes performances lors des premiers essais.

Ces projets pilotes ne sont pas seulement une preuve de concept, ils sont également la preuve de progrès. Nous pensons que plusieurs de ces technologies vont atteindre les derniers stades de l’échelle des niveaux de maturité et qu’elles vont être mises en œuvre à grande échelle dès l’année prochaine.

Pourquoi, en tant que scientifique, avez-vous choisi de travailler dans ce domaine ?

J’ai toujours été convaincue que la science devait servir de catalyseur, pour apporter des changements significatifs et durables. Cette conviction m’a amenée à me concentrer sur le surcyclage du plastique et la recherche de solutions pour remplacer les matériaux dérivés du pétrole – des domaines où les innovations peuvent directement aider à répondre aux crises environnementales auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.

Avec plus de 30 ans d’expérience dans le domaine des rayonnements ionisants derrière moi, je sais que tout ce que secteur pourrait faire pour nous aider à transformer les déchets en ressources précieuses si on exploitait tout son potentiel. C’est plus qu’un simple travail de recherche, c’est une volonté de construire une économie circulaire qui protège nos écosystèmes, réduit l’empreinte carbone humaine et laisse aux générations futures une planète plus saine et plus résiliente.

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