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Le droit nucléaire au service de la transparence et de l’ouverture : faciliter l’action climatique
Anthony Wetherall, Chenchen Liang
En matière d’atténuation du changement climatique, l’énergie d’origine nucléaire est et restera un élément de la solution, en ce qu’elle aide les pays à atteindre leurs objectifs et appuie le développement socioéconomique dans le cadre de la transition vers une économie mondiale à faibles émissions de carbone.
“ Face à la crise du changement climatique, à laquelle vient s’ajouter l’insécurité énergétique, dont le niveau n’avait pas été aussi élevé depuis les années 1970, de plus en plus de pays se posent la question de l’électronucléaire.
Pour autant, la technologie nucléaire se heurte à des difficultés bien particulières pour ce qui est de la compréhension et de l’acceptation par le grand public, qui ne la juge pas toujours sur des critères purement scientifiques. Pour réaliser les objectifs climatiques, il sera nécessaire de faire évoluer la perception du public et de clarifier certains faits scientifiques. D’après les experts, la capacité électronucléaire devra plus que doubler au cours des prochaines décennies si l’on veut atteindre les objectifs énergétiques et climatiques mondiaux. Dans certains pays, l’opinion est déjà en train de changer. Ainsi, en Allemagne, une enquête récemment conduite par Der Spiegel a montré que 67 % des personnes interrogées étaient maintenant favorables à la poursuite, pendant les cinq prochaines années, de l’exploitation des trois réacteurs nucléaires de puissance que compte encore le pays, tandis que 41 % étaient favorables à la construction de nouvelles centrales nucléaires.
« Face à la crise du changement climatique, à laquelle vient s’ajouter l’insécurité énergétique, dont le niveau n’avait pas été aussi élevé depuis les années 1970, de plus en plus de pays se posent la question de l’électronucléaire », affirme Wolfram Tonhauser, chef de la Section du droit nucléaire et du droit des traités du Bureau des affaires juridiques de l’AIEA. Dans de nombreux pays, l’introduction de l’électronucléaire dans le bouquet énergétique contribuerait grandement à la réalis ation des objectifs nationaux d’atténuation du changement climatique, et la réussite de nombreux programmes et projets dépendra en grande partie de la capacité d’ouverture et de transparence, nécessaire à une prise de décisions éclairées.
Le droit nucléaire au service de l’ouverture et de la transparence
L’électronucléaire est un domaine transversal du droit nucléaire, dont l’importance croît à mesure que les pays s’efforcent de décarboner leur bouquet énergétique. L’ouverture et la transparence sont des principes évidents que l’on retrouve dans plusieurs domaines du droit nucléaire, tant au niveau national que dans des instruments juridiques internationaux relatifs au nucléaire, dans les mécanismes, processus et arrangements qui leur sont associés et dans les instances de coopération multilatérale entre les États.
Par exemple, au niveau international, la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs (Convention commune) reconnaît explicitement qu’il est important d’informer le public sur les questions se rapportant à la sûreté de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs. Au moment de choisir le site d’un projet d’installation de gestion du combustible usé et de déchets radioactifs, les Parties contractantes sont tenues de mettre en place et d’appliquer des procédures visant à mettre à la disposition du public des informations sur la sûreté des installations. Cette question est également abordée dans plusieurs instruments du droit de l’environnement ayant également trait au droit nucléaire, comme la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe.
Certains des mécanismes et dispositifs existants, établis sur la base des instruments juridiques internationaux pertinents, sont obligatoires et périodiques. Par exemple, les pays sont régulièrement tenus d’élaborer des rapports et de faire réaliser des examens par des pairs concernant les aspects des centrales nucléaires liés à la sûreté et la gestion sûre du combustible usé et des déchets radioactifs, conformément à la Convention sur la sûreté nucléaire (CSN) et à la Convention commune, respectivement. La participation à d’autres mécanismes ou dispositifs, comme les processus d’échange d’informations prévus par les deux Codes de conduite de l’AIEA qui ne sont pas juridiquement contraignants, à savoir le Code de conduite pour la sûreté des réacteurs de recherche et le Code de conduite sur la sûreté et la sécurité des sources radioactives, est en revanche facultative.
« Il est parfois nécessaire de conjuguer l’impératif d’ouverture et de transparence avec l’impératif de confidentialité des informations sensibles liées aux matières et installations nucléaires, qui pourraient autrement devenir la cible d’actes criminels ou d’actes non autorisés délibérés », explique M. Tonhauser.
Législations nationales et appui de l’AIEA
Au niveau national, l’ouverture et la transparence sont l’un des cinq principes fondamentaux et interdépendants recensés par l’AIEA en matière de participation efficace des parties prenantes. « Si certains instruments juridiques internationaux comportent quelques lacunes concernant les prescriptions à respecter au niveau national en termes de transparence et d’ouverture, celles-ci sont comblées par les normes de sûreté et d’autres orientations internationales », ajoute M. Tonhauser.
Les cadres juridiques nationaux sur le nucléaire peuvent servir de base aux principes d’ouverture et de transparence, tant pour ce qui est d’informer et de consulter les parties intéressées et le public au sujet des éventuels risques radiologiques associés aux installations et aux activités ainsi que des processus et décisions des organismes de réglementation, que dans le contexte de la participation du public à la prise de décisions, en particulier le droit qu’ont les parties prenantes d’être entendues et impliquées.
Dans son Manuel de droit nucléaire : Législation d’application, l’AIEA propose, aux fins de l’élaboration d’une législation nucléaire nationale complète, des modèles de dispositions qui s’appuient sur les normes, orientations et instruments pertinents en matière d’ouverture et de transparence et dans lesquelles sont énoncées les prescriptions minimales à inclure dans la législation. Par exemple, le modèle de dispositions sur les réacteurs de puissance dispose que, dans le cadre de l’examen, de l’évaluation et de la procédure d’autorisation, les organismes de réglementation doivent établir des procédures pour informer et consulter le public, en particulier les personnes résidant à proximité d’une installation nucléaire en projet.
D’après M. Tonhauser, « on sait d’expérience que l’élaboration d’une législation nucléaire n’est pas toujours une tâche aisée. Pour diverses raisons, les législateurs – notamment les responsables de l’élaboration des politiques et de la réglementation, les décideurs, les rédacteurs, les juristes et les autres intervenants – se heurtent souvent à un certain nombre d’obstacles. Les députés jouent également un rôle essentiel, d’une part parce qu’ils promulguent une législation nécessaire et, de l’autre, parce qu’ils doivent connaître tous les tenants et aboutissants de la question. »
Compte tenu de ces enjeux et de ces difficultés, le programme d’assistance législative de l’AIEA aide les pays primo-accédants, comme l’Égypte et les Philippines, à établir un cadre juridique nucléaire et à le consolider. Il offre aussi une formation au droit nucléaire et sensibilise les pays à l’importance d’adhérer aux instruments juridiques internationaux pertinents.
Comme le rappelle M. Tonhauser : « Pour soutenir le rôle que l’électronucléaire peut jouer dans la transition vers un avenir énergétiquement propre, il importe, aujourd’hui plus que jamais, de se doter de cadres juridiques exhaustifs et adéquats qui soient respectueux des principes d’ouverture et de transparence. »