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Réaffectation des installations nucléaires après leur déclassement
Anastasiia Andriushina

Des enfants jouent dans le Parque El Mirador, le jour de l’ouverture du parc. (Photo : CNEA)
D’ici 2050, un nombre important des plus de 400 réacteurs nucléaires de puissance actuellement en service pourraient être déclassés. Le déclassement ne représente pas seulement la fin de l’utilisation de l’installation, mais aussi le début d’une transformation technique, socio-économique et environnementale à multiples facettes. Un déclassement réussi consiste donc non seulement à démanteler les installations nucléaires, mais aussi à repenser leur utilisation future dans l’intérêt de la collectivité locale.
« La reconversion des sites nucléaires nécessite un changement d’état d’esprit », déclare Gloria Kwong, cheffe de la Section du déclassement et de la remédiation environnementale de l’AIEA. « En donnant la priorité à l’utilisation future, à l’efficience d’emploi des ressources et au réaménagement, on peut transformer les anciens sites nucléaires en pôles d’innovation, de croissance économique et de durabilité, à l’appui d’une énergie propre et de la résilience des collectivités. »
En Argentine, par exemple, le déclassement et la remédiation du complexe industriel de Malargüe, dans la province de Mendoza, qui avait servi au traitement du minerai d’uranium pendant plus de trente ans avant de fermer en 1986, ont donné naissance au Parque El Mirador, un espace vert aménagé avec et pour la collectivité locale. Lancé en 2017 dans le cadre du plan stratégique Malargüe 2020 et dirigé par la Commission nationale de l’énergie atomique (CNEA), ce projet illustre la manière dont une planification inclusive peut conduire à une transformation durable. Conçu conjointement par les habitants, des organisations de la société civile et la municipalité, le parc comprend des zones récréatives, des installations sportives et des espaces destinés à l’éducation à l’environnement.
« Ce projet constitue une étape importante pour l’Argentine, car il intègre avec succès le développement social, la croissance économique et la responsabilité environnementale », selon Juan Leandro Ferrer, directeur des relations institutionnelles de la CNEA. « Son succès est le fruit d’une solide politique de participation des parties intéressées, impliquant les autorités provinciales et locales, les organismes de réglementation, des établissements d’enseignement et des organisations de la société civile. En outre, nous devons souligner le prêt de 30 millions de dollars accordé par la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, qui met en évidence le rôle stratégique que les organismes de crédit multilatéraux peuvent jouer dans le soutien des projets nucléaires à fort impact. »
Une telle approche tournée vers l’avenir nécessite une participation totale des parties intéressées dès les premières étapes du cycle de vie d’une installation nucléaire, avant même le début de la phase opérationnelle.
Selon le guide de l’AIEA sur la participation des parties intéressées, les différentes parties prenantes – y compris les exploitants, les organismes de réglementation, les collectivités d’implantation, les travailleurs et les organisations environnementales – ont leurs propres perspectives et préoccupations, qui doivent être entendues, jaugées et incluses dans le processus de prise de décision. Toutefois, il peut s’avérer compliqué de prendre en compte et d’intégrer efficacement ces différents points de vue.
D’après Mme Kwong, la nature hautement technique du processus de déclassement peut être difficile à comprendre pour le public, ce qui suscite des inquiétudes quant à la transparence et à la responsabilité. Elle souligne que la priorité donnée à une communication claire lors des discussions sur les mesures de sûreté, les critères d’assainissement et les plans de surveillance à long terme des sites permet d’instaurer la confiance et de favoriser une meilleure compréhension du public. En fin de compte, le succès du déclassement et de la réaffectation dépend de la confiance du public, et un manque de confiance ou de sensibilisation peut entraîner des oppositions et des retards.
La confiance du public influence les décisions des collectivités en matière de normes d’assainissement. Bien que les organismes de réglementation fixent des exigences de base, la collectivité peut demander des normes d’assainissement plus strictes. Malgré des coûts plus élevés, la collectivité peut souhaiter que le site devienne une « zone verte » utilisable sans restriction afin d’éliminer les risques et les préjugés liés à l’ancienne installation nucléaire. À l’inverse, certaines parties prenantes peuvent préférer un assainissement partiel s’il permet une réaffectation industrielle ou commerciale, et accepter une contamination contrôlée si les risques d’exposition sont réduits au minimum par des restrictions et une surveillance, ce qui permet une transition plus rapide vers une nouvelle utilisation.
Ces décisions devraient être inspirées par la collectivité locale, qui supporte la principale charge liée à la transition. Les installations nucléaires sont généralement des moteurs de l’emploi et du développement économique au niveau régional, de sorte que leur fermeture peut entraîner de graves pertes d’emplois, voire une récession économique, si elle est mal gérée. Cela souligne l’importance d’une stratégie tournée vers l’avenir et de la participation de la collectivité pour atténuer les effets socio-économiques négatifs.
Sur le site nucléaire de Dounreay (Royaume-Uni), par exemple, dont le déclassement est en cours, les risques de déplacement économique ont été reconnus et pris en compte dès le début du processus de déclassement. Les spécialistes de la planification de sites ont mis en œuvre des stratégies globales de transition, y compris des programmes de recyclage et de redéploiement, afin de soutenir le personnel affecté. Cela a permis aux travailleurs de s’orienter vers des secteurs émergents et a stabilisé l’économie locale pendant une période d’incertitude, en préservant à la fois les emplois et la résilience de la collectivité.
La reconversion des sites nucléaires déclassés, par exemple par la construction de petits réacteurs modulaires, ou leur réaménagement à des fins industrielles, scientifiques, récréatives ou communautaires, peut stimuler l’économie locale et produire des avantages à long terme. Pour réussir, ces projets doivent refléter les besoins et les préférences locales et inclure des contributions du secteur privé, des établissements d’enseignement et des membres de la collectivité. Une telle collaboration garantit que les efforts de réaffectation sont réalistes et ouvrent la voie à une croissance future. La collaboration peut faciliter une transition harmonieuse et efficiente, attirer les investissements et maximiser les avantages pour la collectivité.
Néanmoins, la complexité technique, des priorités contradictoires, une mauvaise communication et les contraintes économiques peuvent rendre difficile la participation des parties intéressées. L’intégration de bonnes pratiques dans la stratégie visant à faire participer les parties intéressées pourrait atténuer ces difficultés. Des explications simples et non techniques peuvent améliorer considérablement la compréhension du public, tandis que la réactivité face aux réactions des parties intéressées, même lorsqu’il n’est pas possible de parvenir à un accord total, renforce la confiance. De même, la planification de la transition économique peut atténuer considérablement les effets socio-économiques négatifs.
En fin de compte, si le déclassement d’installations nucléaires est considéré comme une opportunité de renouvellement de la collectivité plutôt que comme la simple fin de la vie opérationnelle d’une installation, il peut devenir un catalyseur pour le développement régional durable et la résilience de la collectivité. « La participation continue des parties intéressées fait que les différents points de vue sont entendus, contribue à la prise de décisions éclairées sur la réaffectation sûre des sites et aide à garantir des avantages économiques, sociaux et environnementaux durables pour les générations à venir », affirme Anna Clark, cheffe de la Section de la sûreté des déchets et de l’environnement de l’AIEA.