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Une vigilance de tous les instants

Préparation et conduite des interventions en cas d’urgence nucléaire ou radiologique

Peter Kaiser

Des spécialistes de l’Agence s’affairent au Centre des incidents et des urgences de l’AIEA après la situation d’urgence nucléaire survenue au Japon.

(Photo : AIEA)

L’alerte avait été donnée peu avant que le soleil ne se lève sur Vienne, ce 11 mars 2011. Le responsable de l’intervention d’urgence qui était de permanence parcourut le rapport sismique qui s’affichait à l’écran de son ordinateur portable. Dans les minutes qui suivirent, il fit venir au Centre des incidents et des urgences (IEC) de l’AIEA des agents formés à différentes tâches spécifiques d’intervention. S’appuyant sur les résultats d’une évaluation réalisée selon des procédures prédéfinies, il venait ainsi de déclencher le « dispositif complet d’intervention » de l’IEC pour l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi.

Le déclenchement de ce dispositif a pour effet de mobiliser plus de 200 agents régulièrement entraînés qui se relaient nuit et jour, douze heures durant, pour recueillir des informations auprès des points de contact pour les situations d’urgence dans l’État où s’est produit l’accident – en l’occurrence, le Japon – et dans d’autres États Membres, pour envoyer l’aide de l’AIEA lorsque la demande en est faite à l’Agence, et pour informer la communauté internationale, tout en tenant les médias et le grand public au courant de l’évolution des événements et en coordonnant les mesures mises en place au niveau international.

Se préparer à l’inattendu : une condition essentielle pour acquérir la souplesse indispensable que requièrent des situations de plus en plus difficiles.
Elena Buglova, chef (2011-2020) du Centre des incidents et des urgences de l’AIEA

Un mandat d’intervention

Durant le quart de siècle qui s’est écoulé entre les accidents de Tchornobyl et de Fukushima Daiichi, l’AIEA a mis au point ces « réflexes » de préparation et de conduite des interventions d’urgence (PCI) qui mêlent procédures, infrastructures, réseaux et savoir-faire. Au fil de ces années, l’Agence a progressivement développé sa capacité de réaction. Six ans avant le tremblement de terre de Tohoku qui a frappé le Japon, elle a créé l’IEC, qui a reçu pour mission d’intervenir en cas d’urgence nucléaire et radiologique, quelle qu’en soit la cause – catastrophe naturelle, défaut de sécurité ou intention malveillante.

« L’IEC a été spécialement conçu pour traiter les situations d’urgence liées à la sûreté ou à la sécurité et pour y réagir efficacement, en faisant abstraction de la pression qu’elles génèrent », explique celle qui, à la tête de l’IEC de 2011 à 2020, a dirigé à l’époque l’intervention, Elena Buglova.

Rafael Martinčič, un ancien de l’AIEA totalisant 20 ans d’ancienneté au sein de l’Agence, a participé, en sa qualité de spécialiste de la PCI, au véritable marathon qu’ont représenté les opérations menées par l’IEC 1 300 heures durant après l’accident de Fukushima Daiichi. « À mon sens, ce qu’il nous faut surtout retenir de la façon dont nous avons réagi, c’est la nécessité de réaffirmer avec empathie le principe voulant que tous les pays s’informent mutuellement – et informent l’AIEA – de leurs propres mesures de protection et autres dispositifs d’intervention », souligne-t-il.

Le partage des informations est le gage d’une intervention qui soit toujours efficace ; il permet aux gouvernements de donner aux parties prenantes « des explications claires et compréhensibles sur les fondements techniques des décisions concernant les actions protectrices et autres mesures d’intervention pour faire mieux comprendre et accepter ces dernières par le public à l’échelle nationale et internationale », ajoute Rafael Martinčič.

Les grands exercices, tels que l’exercice international de niveau 3 organisé au titre des conventions (ConvEx-3) – le plus vaste et le plus long au monde – sont l’occasion d’observer la capacité des pays à mettre en commun les informations concernant les mesures de protection qu’ils ont mises en place en pleine situation d’urgence. « Chaque exercice montre le chemin parcouru ces dix dernières années et celui qu’il nous reste encore à parcourir pour que nous nous pénétrions de cet enseignement », déclare Rafael Martinčič.

Une décennie d’innovation

Lorsqu’on lui demande en quoi l’intervention de l’AIEA après l’accident de Fukushima Daiichi aurait pu être différent, Elena Buglova répond, sans l’ombre d’une hésitation, que « dans l’absolu, il aurait fallu que l’AIEA reçoive des États Membres, bien avant ce grave accident, un mandat qui ne se limite pas à donner mission à l’Agence de recevoir, vérifier et échanger des informations. Nous aurions été mieux préparés si l’AIEA avait également été expressément chargée d’analyser les informations reçues, de faire connaître son évaluation de la situation et, si possible, de formuler un pronostic quant à la tournure que pourraient prendre les événements. »

Il n’entrait pas dans les attributions de l’AIEA, à l’époque où s’est produit l’accident de Fukushima Daiichi, de prévoir l’évolution potentielle d’un accident ou d’en évaluer les possibles conséquences. À la suite de l’intervention d’urgence, les États Membres ont pris conscience des avantages qu’offrait une telle analyse pour éclairer leurs décisions relatives à leur propre sûreté nationale. La Conférence générale de l’AIEA a donné mandat à l’Agence de fournir cette évaluation et ce pronostic. « À ce jour, nous multiplions les contacts avec les États Membres pour déterminer de quelle manière l’IEC évaluera un accident en pleine intervention d’urgence et en quoi cette évaluation pourra servir à renforcer l’efficacité de l’intervention », indique Elena Buglova.

L’AIEA a également publié des normes internationales de sûreté et constitué un Comité des normes PCI, l’EPReSC, en 2015. « L’EPReSC est une structure mondiale qui focalise constamment l’attention sur la PCI et ne se contente pas de le faire au lendemain d’un accident. En tant que comité des normes de sûreté comptant le plus grand nombre de membres, l’EPReSC offre aux pays du monde entier la possibilité de mettre en commun des politiques et méthodes de protection et de s’assurer ainsi qu’un maximum d’entre eux puissent améliorer leur intervention, dans le respect des bonnes pratiques internationalement reconnues », déclare Elena Buglova. L’une des avancées les plus marquantes de l’EPReSC aura été l’adoption de la norme de sûreté intitulée « Préparation et intervention en cas de situation d’urgence nucléaire ou radiologique » (no GSR Part 7 de la collection Normes de sûreté de l’AIEA), qui a été coparrainée par un nombre inégalé d’organisations internationales.

Se préparer aujourd’hui aux situations d’urgence de demain

Comme nous le rappelle avec force l’actuelle pandémie de COVID-19, les situations d’urgence que nous connaîtrons à l’avenir seront vraisemblablement plus complexes ; elles se distingueront par des combinaisons différentes de facteurs déclenchants et de critères d’intervention. Se préparer à l’inattendu : il s’agit là, selon Elena Buglova, d’une condition essentielle pour acquérir la souplesse indispensable que requièrent des situations de plus en plus difficiles.

« La chance ne sourit qu’aux esprits bien préparés, dit-on. Nous n’avons pas le sentiment de travailler aux frontières de l’extrême, mais nous nous évertuons à créer des exercices particulièrement poussés. L’impréparation conduit inévitablement à l’échec ; seul un exercice permet de démontrer l’efficacité de la préparation », estime Elena Buglova.

L’IEC et plus de 200 agents entraînés qui sont répertoriés dans le système des incidents et des urgences de l’AIEA se préparent quotidiennement à cet appel auquel il faudra réagir aussi rapidement et efficacement que possible.

03/2021
Vol. 62-1

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