En Argentine, au Brésil, en Inde, en Indonésie, au Kenya et en Uruguay, des agriculteurs accroissent les rendements des cultures et améliorent la fertilité et la qualité des sols d'une manière écologique et rentable grâce aux résultats d’un projet de recherche coordonnée de l’AIEA achevé récemment en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
« Nous exploitons au mieux nos ressources tout en faisant face aux défis posés par les pénuries alimentaires et le changement climatique », déclare Setiyo Hadi Waluyo, scientifique travaillant à l’Agence nationale de l'énergie nucléaire (BATAN) d’Indonésie.
Ces travaux se basent sur un concept simple : il est possible d’optimiser le rendement des cultures grâce à un système de production intégré culture-élevage qui recycle les nutriments présents aussi bien dans le fumier animal que dans les résidus de culture. Ce système permet de réduire les besoins en engrais synthétiques qui émettent de grandes quantités de gaz à effet de serre et favorisent ainsi le changement climatique. Des techniques isotopiques sont utilisées pour mesurer la quantité d’engrais présente dans le sol et évaluer ainsi l’efficacité du concept (voir l’encadré « En savoir plus »).
Les activités agricoles commerciales sont souvent basées sur des pratiques de monoculture en vertu desquelles on cultive la même chose sur la même parcelle année après année. À terme, la monoculture entraîne une baisse de la fertilité des sols, en sorte que des quantités excessives de nutriments synthétiques sont alors nécessaires pour reconstituer les nutriments absorbés et utilisés par les cultures.
Dans les systèmes intégrés culture-élevage, qui ont été de plus en plus utilisés au cours des cinq dernières années, le bétail peut soit paître directement dans les cultures, soit être nourri après la récolte. Les agriculteurs récupèrent ensuite le fumier produit par le bétail et l’utilisent comme engrais, ce qui permet de restituer de nombreux nutriments au sol.
« Ce processus enrichit le sol en carbone et autres nutriments indispensables aux plantes et réduit radicalement les besoins en engrais synthétiques », explique Mohammad Zaman, pédologue à la Division mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture. « Il améliore également la structure du sol, dont la capacité d'absorption de l’eau et de rétention des nutriments augmente ainsi, ce qui permet à la fois d’accroître les rendements des cultures et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. »
Au Brésil, des scientifiques recherchent des moyens d'optimiser l’utilisation des terres, et les travaux sur l’efficacité de l’utilisation d'un système intégré culture-élevage ont donné des résultats positifs. Environ 5 % des exploitations utilisent cette méthode sur une superficie cultivée totale de 10,6 millions d’hectares. « Nous nous orientons vers l’agriculture de conservation. La faisabilité de cette méthode, qui met en jeu des systèmes intégrés culture-élevage, a été démontrée », commente M. Jeferson Dieckow, pédologue de l’Université fédérale du Paraná au Brésil. En conséquence, les émissions de gaz à effet de serre dues aux urines et aux excréments ont baissé de 89 %.
De même, des scientifiques argentins ont découvert que le système intégré culture-élevage renforçait la résilience des cultures aux effets du changement climatique. « Ce projet nous a aidé à améliorer la qualité de nos sols agricoles grâce à la rotation des cultures », déclare Juan Cruz Colazo, scientifique à l’Institut national de technologie agricole d’Argentine. « Nous avons constaté une augmentation de 50 % de la teneur du sol en carbone organique, ce qui renforce la résilience du système de culture aux variations climatiques susceptibles autrement de freiner le rendement des cultures. »
En Indonésie, la population s'accroît rapidement et l’État cherche à assurer un approvisionnement suffisant en vivres. Parallèlement, il s’est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 % à 40 % d’ici 2030. « L’agriculture de conservation augmente les rendements des cultures grâce à la réduction des labours et à l’utilisation des résidus de culture comme paillis, ce qui permet d’améliorer considérablement la qualité des sols », affirme Hadi Waluyo. « Nous prévoyons d’appliquer ces méthodes dans 1 000 exploitations d’ici 2019. »
L’utilisation des systèmes intégrés culture-élevage, favorisée par ce projet de recherche coordonnée, s’étendra probablement bien au-delà des pays qui participent au projet.
« Ce qui est particulièrement encourageant à propos des pratiques intégrées culture-élevage, c’est que leur emploi n'est pas limité à certaines zones géographiques ou à certains climats. Si une terre est cultivable, elle se prête aux pratiques intégrées de culture-élevage », dit M. Mohammad Zaman.