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Normes de réussite

Une initiative de l’AIEA vise à accélérer le déploiement des PRM

Matthew Fisher

Alors que la communauté mondiale s’efforce d’atteindre les objectifs ambitieux fixés dans l’Accord de Paris de 2015, le consensus qui se dégage de plus en plus clairement est que l’énergie nucléaire a un rôle important à jouer dans la décarbonation des secteurs énergétiques et industriels. Toutefois, pour déployer l’électronucléaire à plus grande échelle, notamment grâce à des technologies avancées telles que les petits réacteurs modulaires (PRM), il faut appliquer des stratégies innovantes si l’on veut mettre en œuvre des projets de nouvelles constructions de façon durable, sans dépasser les coûts prévus et en garantissant un niveau élevé de sûreté et de sécurité.

Lancée en 2022, l’Initiative d’harmonisation et de normalisation nucléaires (NHSI) de l’AIEA vise à faciliter le déploiement de PRM et d’autres réacteurs avancés sûrs et sécurisés grâce à l’harmonisation des approches réglementaires et à la mise en place de normes industrielles.

Pour ce qui est des normes de mise au point, de fabrication et de construction, les membres du volet industriel de la NHSI devraient publier deux livres blancs dans le courant de l’année : l’un fournissant des orientations sur les défis liés à l’harmonisation des inspections des composants de haute intégrité importants en matière de sûreté, et l’autre soulignant la nécessité de mieux harmoniser les codes et les normes non nucléaires des différentes juridictions. En outre, un troisième livre est prévu et devrait porter sur les mesures concrètes qui permettront de nouer le plus tôt possible un dialogue sur l’utilisation de composants industriels de haute qualité dans les systèmes de sûreté. Les membres du volet réglementaire de la NHSI, qui se consacrent à l’élaboration de processus permettant d’améliorer la coopération en matière de réglementation, préparent actuellement une publication exhaustive qui vise à faciliter la coopération en ce qui concerne les examens de la conception et lancent un processus d’examen réglementaire multinational qui permettra aux organismes de réglementation de mener des examens conjoints portant sur la conception des PRM.

Vers une efficacité accrue

Les PRM sont conçus pour être fabriqués en usine puis assemblés sur place, ce qui permet de réduire les coûts et les délais de construction, et du fait de leur taille relativement petite, de l’ordre de 300 mégawatts électriques (MWe) par tranche, ils peuvent être déployés dans des régions qui ne se prêtent pas à l’installation de grands réacteurs. Toutefois, les spécificités de nombreux composants nucléaires peuvent entraîner des engorgements dans la chaîne d’approvisionnement, car la fabrication de pièces sur mesure associée aux procédures d’inspection connexes actuelles peut allonger considérablement le processus de production.

En passant à un modèle de réacteur conçu à partir de pièces produites en série et en harmonisant les prescriptions entre les organismes de réglementation et les utilisateurs finaux de différentes juridictions, il serait possible de réduire considérablement le temps et les efforts nécessaires à la mise en service de PRM et d’autres réacteurs avancés.

« L’obtention de l’autorisation d’utiliser des technologies sur mesure est un processus difficile et souvent long, car actuellement, les organismes de réglementation nucléaire n’autorisent pas l’utilisation de composants industriels non nucléaires standard pour des applications de sûreté dans des installations nucléaires », explique Matheus Abbt, conseiller principal en technologie nucléaire de la compagnie d’électricité suédoise Vattenfall. « L’alignement des prescriptions de sûreté nucléaire sur les normes industrielles pertinentes pourrait contribuer à résoudre les difficultés rencontrées dans la chaîne d’approvisionnement et permettre un déploiement plus rapide des PRM. »

Rationaliser le processus

Parmi les autres sources de préoccupation figurent les différences dans les protocoles d’inspection pour les articles à long délai de livraison ou la production d’articles dont les délais de production sont suffisamment longs pour avoir une incidence sur la date de livraison finale du projet. Les cuves sous pression, par exemple, doivent généralement être inspectées par le client final avec la participation des organismes de réglementation ou de leurs organismes notifiés, et ce, à chaque phase de fabrication depuis la sélection des matériaux. Outre que cela entraîne une charge considérable en termes de délai, cela peut aboutir à des inspections potentiellement redondantes. En revanche, l’achèvement d’un processus rationalisé bien avant le dépôt d’une demande de permis de construire permettrait une mise en œuvre plus rapide des projets de PRM.

« Grâce à la reconnaissance mutuelle de certaines activités d’inspection d’articles à long délai de livraison, il serait possible de réduire considérablement la durée des projets et les risques liés à la fabrication », estime Aline des Cloizeaux, directrice de la Division de l’énergie d’origine nucléaire de l’AIEA. « Cela pourrait s’avérer particulièrement utile en cas d’augmentation de la production et de fabrication simultanée d’articles de PRM à long délai de livraison destinés à être utilisés dans des juridictions différentes. Il y a là une excellente occasion d’optimiser les ressources. »

Les centrales nucléaires sont soumises à un large éventail de réglementations, dont beaucoup ne sont pas du ressort des organismes de réglementation nucléaire. Lors d’une réunion technique qui s’est tenue fin 2023, un groupe de travail du volet industriel de la NHSI a examiné de possibles solutions aux problèmes posés par les codes et normes non nucléaires. Parmi les propositions examinées figurait le fait d’encourager les propriétaires et les exploitants à se mettre très tôt en contact avec les organismes gouvernementaux concernés et de collaborer le plus tôt possible avec les fournisseurs pour renforcer la chaîne d’approvisionnement en réduisant les risques commerciaux et les risques liés à la gestion de projet et à la gestion de la qualité qui pourraient exister dans les régions de déploiement envisagées. En outre, il est essentiel de comprendre la dynamique d’approvisionnement et de veiller au respect des réglementations locales et nationales pour que les projets soient menés à terme dans les délais et le budget impartis.

Un cadre mondial pour l’examen de la réglementation

L’ambition à long terme du volet réglementaire de la NHSI est de parvenir à la mise en place d’un cadre mondial régissant l’examen de la réglementation des modèles de réacteurs nucléaires avancés, et en particulier des PRM. Ce cadre mondial pourrait se présenter sous la forme d’un ensemble de documents et de procédures décrivant les prescriptions réglementaires communes et permettant de comprendre ce qu’il faut faire pour les respecter, ce qui permettrait d’entreprendre des examens réglementaires conjoints des réacteurs avancés. Ce cadre mondial faciliterait également la mise en commun des examens et des ressources ainsi que la production de résultats d’examen communs.

« La première étape de l’élaboration d’un tel cadre implique que les organismes de réglementation coopèrent les uns avec les autres lors des examens réglementaires des modèles de réacteurs avancés. Des stratégies de collaboration relatives aux examens réglementaires ont été élaborées dans le cadre du volet réglementaire de la NHSI. Elles sont le fruit du travail d’experts des organismes de réglementation, et tiennent compte du retour d’expérience de l’industrie », déclare Anna Bradford, directrice de la Division de la sûreté des installations nucléaires de l’AIEA.

Dans le cadre du volet réglementaire de la NHSI, on cherche des solutions qui permettraient aux organismes de réglementation de mettre en commun les informations lors des examens, et il est prévu de rédiger un protocole de coopération – un accord global et non contraignant qui démontrerait la volonté des organismes de réglementation signataires de travailler ensemble et de mettre en commun les informations. En outre, toujours dans le cadre du volet réglementaire, des travaux sont en cours pour mettre au point un examen réglementaire multinational de la conception préalable à l’autorisation qui permettrait aux organismes de réglementation d’évaluer conjointement les domaines techniques spécifiques d’un modèle de réacteur proposé et de recenser les questions techniques susceptibles de présenter des difficultés ou de soulever des questions au cours de l’évaluation réglementaire nationale ultérieure. Ce processus permettrait aux participants de recenser les domaines dans lesquels il existe des différences réglementaires importantes entre les pays, ainsi que ceux dans lesquels des efforts supplémentaires seraient nécessaires pour contribuer à la normalisation de la conception.

En outre, dans le cadre de la NHSI, des travaux sont en cours pour élaborer des processus qui permettraient aux organismes de réglementation de collaborer dans le cadre d’examens nationaux et de tirer parti des examens d’autres organismes de réglementation, ce qui signifierait une économie de ressources pour les organismes de réglementation et les industriels.

Ainsi, la NHSI poursuit son objectif qui consiste à maximiser sa contribution dans les efforts visant à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 : ses travaux progressent comme prévu et les conclusions des volets industriel et réglementaire seront présentées lors de la séance plénière de la NHSI en juin et à la Conférence internationale sur les petits réacteurs modulaires et leurs applications de l’AIEA, qui se tiendra à Vienne en octobre 2024.

10/2024
Vol. 65-3

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