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Inscrire les réacteurs de recherche dans la durée

Helmuth Boeck

Helmuth Boeck
Maître de conférences en sûreté des réacteurs à l’Institut de physique atomique et subatomique de l’Université technique de Vienne. Helmuth Boeck possède 45 ans d’expérience dans l’utilisation et l’exploitation de réacteurs de recherche. Il a en outre pris part, en sa qualité d’expert, à plus de 80 missions appuyées par l’AIEA.

Les réacteurs de recherche sont indispensables pour fournir des radio-isotopes destinés à la médecine et à l’industrie, des faisceaux de neutrons destinés à la recherche sur les matériaux et aux essais non destructifs, ainsi que des services d’analyse et d’irradiation pour les secteurs public et privé. Leur utilisation joue également un rôle stratégique dans la formation théorique et pratique d’une nouvelle génération de scientifiques et d’ingénieurs, à l’appui des programmes de sciences et technologie nucléaires.

Sur les 841 réacteurs de recherche construits à ce jour, un grand nombre ont déjà été déclassés ou sont en passe de l’être. En outre, plus de la moitié des 224 réacteurs de recherche encore en service ont plus de 40 ans. Actuellement, neuf réacteurs de recherche sont en construction dans le monde et une trentaine de nouveaux réacteurs de recherche sont à un stade de planification plus ou moins avancé. Cependant, de nombreux réacteurs de recherche ont été mis à l’arrêt en raison d’un manque de fonds, d’une utilisation trop faible ou d’un manque de planification stratégique, alors qu’aucun de ces aspects n’était auparavant considéré comme un problème important. Si un réacteur de recherche est géré et utilisé correctement, sa durée d’exploitation peut dépasser 60 ans. Il est toutefois primordial de mettre en place des programmes appropriés de gestion de la durée de vie bien à l’avance, notamment en matière de sûreté, de sécurité et d’utilisation.

Collaborer en vue de réduire les coûts et de renforcer l’utilisation

Les principales difficultés que rencontrent aujourd’hui les exploitants de réacteurs de recherche sont des problèmes liés au financement et à l’utilisation. D’ordinaire, les réacteurs de recherche ne reçoivent pas d’appui financier de l’État, de l’industrie ou du secteur privé s’ils n’apportent pas d’avantages visibles. Ces derniers peuvent concerner la recherche universitaire dans le cadre d’un programme national d’enseignement supérieur et de recherche, la production de radio-isotopes médicaux, ou la recherche sur les matériaux dans le cadre d’un programme de coopération national ou international. Selon le niveau de puissance du réacteur de recherche, qui influe sur la façon dont il est utilisé, un programme de recherche polyvalent pourrait être la solution optimale.

Une manière possible de réduire les coûts d’exploitation tout en augmentant l’utilisation est de nouer des partenariats régionaux autour des réacteurs de recherche, regroupant au moins deux installations qui peuvent ainsi partager leurs périodes de fonctionnement et/ou le matériel onéreux. Au cours des dix dernières années, plusieurs partenariats de ce type ont été entrepris et ont bénéficié d’un appui financier dans le cadre des cours de formation collective avec bourses de l’AIEA.

L’Initiative en faveur des réacteurs de recherche d’Europe orientale (EERRI) en est un exemple. Elle a été mise en place par quatre pays, à savoir l’Autriche, la Hongrie, la République tchèque et la Slovénie, qui exploitent au total six réacteurs de recherche de conceptions différentes. Dans le cadre de ce réseau, 15 cours de formation collective avec bourses, d’une durée de six semaines chacun, ont été dispensés depuis 2009, rassemblant au total plus de 120 participants. Ces derniers ont reçu une formation sur au moins cinq réacteurs de recherche, dont les niveaux de puissance allaient de 100 kW à 10 MW, et ont suivi des cours sur des sujets tels que la physique des réacteurs, les systèmes de contrôle-commande, la radioprotection et l’analyse par activation.

Comme exemples d’initiatives similaires, on peut citer le Réseau mondial de réacteurs de recherche TRIGA (GTRRN), créé pour répondre aux problèmes courants rencontrés avec les réacteurs de recherche de type TRIGA (il y en a 30 en service dans le monde), notamment l’approvisionnement en combustible, l’appui technique et l’amélioration de l’utilisation.

Vieillissement, mise à l’arrêt et déclassement

D’après la base de données sur les réacteurs de recherche de l’AIEA, plusieurs réacteurs de recherche dans le monde sont à l’arrêt prolongé pour diverses raisons, par exemple parce qu’ils n’ont pas de plan d’utilisation, ou parce que leur situation technique ne satisfait pas aux normes de sûreté acceptées au niveau international et requerrait des travaux importants de rénovation ou de modernisation. Dans certains cas, la rénovation ou la modernisation peuvent être si coûteuses qu’il revient moins cher de maintenir le réacteur à l’arrêt, mais même ainsi, il y a les coûts de maintenance. Par conséquent, plusieurs réacteurs de recherche sont en sommeil dans l’attente d’un avenir indéterminé, ce qui risque de soulever, à long terme, de réelles questions de sûreté et de sécurité.

Cette situation est accentuée par le problème de la gestion du combustible usé des réacteurs, qui doit être menée de manière efficace, notamment en ce qui concerne l’entreposage dans une installation prévue à cet effet au niveau national, le retraitement, le stockage définitif ou la réexpédition dans le pays d’origine. Ces options sont généralement onéreuses et doivent faire l’objet d’une gestion en temps utile, dans le respect des normes internationales de sûreté et en assurant en amont le financement nécessaire.

Des systèmes de gestion orientés vers la planification stratégique

Pour exploiter à long terme un réacteur de recherche, il convient de mettre en place un programme de gestion du vieillissement efficace, qui devrait généralement comprendre, entre autres, une évaluation détaillée de la sûreté en vue de l’exploitation à long terme, ainsi que des plans de rénovation et de modernisation adéquats pour mettre les installations en conformité avec les normes de sûreté en vigueur.

Pour de nombreux réacteurs de recherche, les plans de déclassement, qui auraient dû être élaborés au début de la durée de vie utile et maintenus à jour par la suite, n’existent pas. L’AIEA a élaboré plusieurs normes de sûreté visant à donner des orientations en matière de mise en place de programmes de gestion du vieillissement, de déclassement et de gestion des réacteurs de recherche à l’arrêt prolongé.

Ces questions liées à la mise à l’arrêt, au vieillissement et au déclassement peuvent être prises en compte lors de la mise en place d’un système de gestion global. En outre, il est nécessaire que ces systèmes soient élaborés de telle sorte que soient pris en compte des objectifs importants, notamment la sûreté, la santé, la sécurité et des questions connexes, afin d’améliorer l’exploitation continue et les services du réacteur de recherche, comme indiqué dans les normes de sûreté de l’AIEA. Le système devrait fournir des orientations générales aidant à la création, à la mise en œuvre et à l’évaluation d’un réacteur de recherche, ainsi que des orientations spécifiques relatives à une exploitation conforme aux normes internationales.

Pour mettre en place un système de gestion, il convient de dresser un plan stratégique, adapté à l’installation, qui implique tous les partenaires, tels que les autorités nationales, l’industrie, les utilisateurs et les gestionnaires d’installations, afin de rationaliser les fonds disponibles et les dépenses d’exploitation. Le plan stratégique doit être révisé périodiquement afin de prendre en compte l’évolution de la mission du réacteur de recherche au fil du temps. L’AIEA a mis au point de nombreux documents en vue d’aider les pays à élaborer des plans stratégiques et à les mettre en œuvre.

En conclusion, nous avons vu comment il était possible d’entretenir, et éventuellement d’améliorer, les réacteurs de recherche pour en assurer la durabilité. En fonction de la situation particulière d’un réacteur de recherche, l’organisme exploitant peut décider de mener des actions en vue de l’améliorer, en s’appuyant notamment sur l’expérience et le soutien de l’AIEA de façon à assurer la durabilité du réacteur.

11/2019
Vol. 60-4

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