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La communication dans les situations d’urgence
Qu’avons-nous appris depuis Fukushima ?
Laura Gil
Lorsqu’une situation d’urgence nucléaire survient, le rôle dévolu au responsable de la communication est presque aussi crucial que celui des premiers intervenants. La capacité à donner des informations claires et précises au milieu du tumulte et de l’effroi qui règnent en pareil cas, lorsque précisément chaque seconde compte, peut sauver des vies.
Mais alors, quelle leçon les responsables de la communication en situations d’urgence ont-ils retenue de l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi ?
« Notre travail, en tant que responsables de la communication, est d’aider les gens à prendre des décisions en connaissance de cause concernant la sûreté et la sécurité des êtres chers », explique Jessica Weider, Directrice du service chargé de l’information et de la sensibilisation du public aux rayonnements à l’Agence de protection de l’environnement (EPA) des États-Unis, qui a dans ses attributions la surveillance radiologique. « Les situations d’urgence nucléaire ou radiologique peuvent être terrifiantes. D’où ce premier réflexe que nous avions par le passé, qui était de calmer l’angoisse de la population. Aujourd’hui, notre principal souci est d’appréhender la gravité des événements radiologiques et de décider, sur la base de ces informations, des mesures de préparation et d’intervention à mettre en œuvre sans provoquer un excès de panique. »
“ L’accident de Fukushima Daiichi nous a permis de comprendre combien il est important de transmettre rapidement les informations. Sans cela, la confiance que l’on met en nous se perd très vite mais se regagne difficilement.
Suis-en sécurité ?
Toute situation mettant en jeu des matières radioactives génère un sentiment généralisé de peur, la notion de rayonnement étant souvent peu ou mal comprise. Pour intervenir efficacement, les responsables de la communication doivent avant tout chercher à répondre à la question essentielle que se posent celles et ceux qui sont au cœur de telles situations, à savoir : suis-je en sécurité ?
L’accident nucléaire de Fukushima Daiichi a fait ressortir que, pour répondre à cette question et limiter l’anxiété qu’elle suscite, il faut communiquer au public des données clairement formulées.
« Les gens voulaient des informations. Ils voulaient des chiffres », raconte Jessica Wieder. « L’accident de Fukushima Daiichi nous a permis de comprendre combien la transmission rapide des informations était importante. Sans cela, la confiance que l’on met en nous se perd très vite mais se regagne difficilement. »
Avant l’accident de Fukushima Daiichi, seules quelques personnes avaient accès aux données radiologiques de l’EPA, qui étaient protégées par un mot de passe. Mais, dans les deux semaines qui ont suivi l’accident, l’EPA a supprimé les mesures de protection par mot de passe et a publié les données sur son site web en libre accès. Elles s’y trouvent toujours.
Il a fallu à peine 24 heures à la Compagnie d’électricité de Tokyo (TEPCO) – l’entreprise japonaise qui exploitait la centrale de Fukushima – pour fournir les premières données relatives au contrôle radiologique et transmettre les mises à jour en temps réel concernant l’état du réacteur. Par contre, la difficulté à laquelle se sont heurtés les citoyens et les médias a été de comprendre la signification réelle de ces informations.
Les données factuelles ne suffisent pas, en soi, à surmonter de fortes émotions, ajoute Jessica Wieder. « Nous ne pouvons nous contenter de livrer des données aux citoyens ; nous devons leur apporter en même temps des explications afin qu’ils puissent en comprendre la portée pour leur santé ».
Depuis l’accident, l’AIEA a prêté main forte à la Préfecture de Fukushima dans de multiples domaines en mettant à sa disposition des connaissances techniques et en l’aidant à diffuser ces informations aux citoyens. L’Agence a contribué à produire du matériel d’information sur ces questions, sous la forme notamment de dépliants et d’un site web, qui montrent les résultats des efforts réalisés en matière de contrôle radiologique et de décontamination. « L’utilisation d’images, d’infographies et d’explications claires en des termes qui ne relèvent pas du jargon scientifique est essentielle pour faire comprendre les données au public et apporter une réponse aux risques que les gens perçoivent », déclare Miklos Gaspar, qui travaille au Bureau de l’information et de la communication de l’AIEA en tant qu’administrateur technique chargé de superviser l’aide fournie à la Préfecture de Fukushima pour faciliter la diffusion de l’information.
Plusieurs voix, un seul message
La crédibilité se gagne ... et se cultive. Au lendemain de l’accident de Fukushima Daiichi, les responsables de la communication se sont rendu compte que, pour garder la confiance des citoyens, les instances faisant autorité en cas de situation d’urgence devaient délivrer le même message d’une même voix. « Dès lors qu’un organisme dit une chose et un autre expert son contraire, la confiance est perdue. Et cela, nous ne pouvons nous le permettre en situation d’urgence », souligne Jessica Wieder.
Quand différentes sources dignes de foi diffusent les mêmes données et les mêmes messages au public, la crédibilité est acquise. « Le fait qu’une voix extérieure fasse écho à votre message confère aux informations que vous donnez une fiabilité supplémentaire que vous n’arriveriez peut-être pas à leur donner par vous-même », indique María Laura Duarte, Chef du Département Communications de l’Autorité de réglementation nucléaire (Argentine). « Mais cela ne s’improvise pas. »
En Argentine, comme dans de nombreux autres pays, des représentants des pouvoirs publics, des intervenants et des experts universitaires ont uni leurs forces pour travailler ensemble sur la question de la communication dans les situations d’urgence et ont constitué des réseaux, de sorte qu’ils savent exactement qui appeler lorsqu’un tel événement survient. Il est utile aussi d’informer les médias à l’avance, de les préparer à d’éventuels incidents et de les associer aux exercices d’intervention, estime María Laura Duarte.
Un mensonge peut parvenir à l’autre bout du monde alors même que la vérité n’est pas encore partie.
Coordonner les messages et veiller à leur cohérence ne permet pas seulement de gagner la confiance ; cela contribue aussi à lutter contre les fausses informations. Après l’accident de Fukushima Daiichi, les informations communiquées par les citoyens se sont quelquefois révélées fausses. « Le risque d’irradiation tel qu’il est perçu est très élevé », observe Jessica Wieder. « Une perception qui engendre de fausses informations. »
S’il est certes quasiment impossible de démentir chaque rumeur, les responsables de la communication s’accordent à penser qu’il faut avant tout cibler celles qui sont le plus répandues et s’entendre avec plusieurs organismes partenaires différents pour couper court aux informations erronées qui circulent.
« Si vous devez dénoncer de fausses informations, mettez-vous en quête d’un partenaire en qui l’on a confiance, un médecin exerçant en milieu hospitalier, par exemple, et laissez-lui le soin d’apporter les éclaircissements qui viendront étayer votre message », suggère Cora Blankendaal, conseillère principale en communication auprès du Groupe de recherches et de consultations nucléaires (NRG), une entreprise qui exploite un réacteur nucléaire de recherche aux Pays-Bas.
Établir la confiance, jour après jour
La confiance ne doit pas se bâtir uniquement en situations d’urgence.
« Nous ne devons jamais cesser de communiquer, que les nouvelles soient bonnes ou mauvaises », souligne María Laura Duarte. Informer la population et communiquer avec elle quotidiennement, de manière ouverte et transparente, l’incitera à se fier aux messages des autorités, si une situation d’urgence devait se présenter. María Laura Duarte considère que les réseaux sociaux constituent désormais un moyen très efficace à cet effet, en ce qu’ils permettent aux responsables de la communication et aux citoyens d’interagir et de nouer un dialogue avec la population.
Si l’on veut gagner la confiance des citoyens, il faut « amener des représentants de la collectivité à participer aux mesures de rayonnement et communiquer en permanence avec le public, en toute transparence », estime Miklos Gaspar.