L’hypofractionnement consiste à réduire le nombre de séances de traitement et la durée de ce dernier en augmentant les doses de rayonnements quotidiennes. Selon une Commission de la revue The Lancet Oncology dirigée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ce type de méthode pourrait permettre de traiter à l’échelle mondiale 2,2 millions de cas de cancers de la prostate ou du sein de plus qu’avec la radiothérapie classique. Dans son rapport, la Commission note que l’hypofractionnement présente des avantages pour plusieurs cancers, tels qu’une diminution des coûts, une amélioration de la précision et une réduction du temps de traitement – ce qui, par voie de conséquence, permet de libérer les machines et d’améliorer l’accès au traitement.
Le rapport de la Commission de la revue The Lancet Oncology sur la radiothérapie et la théranostique (en anglais), présenté lors de la conférence de la Société américaine de radio-oncologie à Washington, souligne l’importance des approches rationnelles dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où l’accès à la radiothérapie et à la théranostique est particulièrement limité. Il s’appuie sur les données d’une enquête menée auprès de 200 centres de radiothérapie répartis dans 55 pays.
Entre 50 et 70 % des patients atteints de cancer doivent recourir à la radiothérapie, et plus de la moitié d’entre eux vivent dans des pays à revenu faible et intermédiaire. En Afrique, plus de 70 % de la population n’a pas accès à la radiothérapie, et pour cause : une vingtaine de pays africains ne dispose d’aucune machine de radiothérapie. Les initiatives internationales visant à pérenniser et à renforcer les infrastructures et les capacités de soins contre le cancer, telles que l’initiative Rayons d’espoir de l’AIEA, peuvent aider à combler les écarts entre les pays. Pour réussir à suivre la hausse prévue des cas de cancer à l’horizon 2050, il conviendrait d’augmenter de plus de 60 % les effectifs de soignants par rapport à 2022, et ainsi d’atteindre un total de 84 646 radio-oncologues, 47 026 physiciens médicaux et 141 077 manipulateurs en radiothérapie dans le monde, selon le rapport.
Les investissements dans la radiothérapie devraient permettre d’économiser entre 278,1 et 365,4 milliards de dollars des États-Unis à l’échelle mondiale sur la période 2015-2035, mais ces chiffres pourraient encore être améliorés en rationnalisant les ressources. À titre d’exemple, si la moitié des interventions de radiothérapie classique étaient hypofractionnées, cela permettrait d’économiser 2,76 milliards de dollars dans le cadre des cancers de la prostate et du sein – si l’on monte à 80 % d’interventions hypofractionnées, les économies se chiffrent à 4,41 milliards.
« Pour les professionnels de la santé et les décideurs du monde entier, ce rapport peut servir de base factuelle pour accélérer l’adoption et la mise en œuvre d’approches économes en ressources, sûres, efficaces et éprouvées. Le rapport montre également que sur l’ensemble du traitement d’un patient, des technologies avancées comme la radiothérapie stéréotaxique corps entier – un type de technologie d’hypofractionnement qui permet d’administrer avec précision des doses élevées mais nécessite un équipement plus avancé – peuvent être plus avantageuses que les méthodes classiques », indique May Abdel-Wahab, coautrice principale du rapport et directrice de la Division de la santé humaine de l’AIEA.
Accès à la théranostique
Dans son dernier rapport, publié après la Commission de la revue The Lancet Oncology de 2015 (en anglais) sur l’élargissement de l’accès à la radiothérapie et rédigé en collaboration avec des experts de 44 établissements universitaires et centres médicaux issus de 23 pays, l’AIEA a évalué l’accès et la disponibilité de la radiothérapie et de la théranostique. Cette dernière technique, qui consiste à combiner des radionucléides pour diagnostiquer et traiter les patients atteints de cancer, exige de maîtriser les principes des rayonnements et la radiobiologie, et de connaître en profondeur les technologies d’imagerie et les différentes utilisations des radiopharmaceutiques pour concevoir des traitements efficaces contre le cancer.
Des modélisations effectuées dans le domaine de l’économie de la santé ont montré, par exemple, qu’un certain traitement radio-isotopique du cancer de la prostate pourrait permettre à la société d’économiser en tout 725 millions de dollars sur une période de sept ans. Cependant, si l’on réunit les données de l’enquête internationale que la Commission sur les installations de médecine nucléaire a mené dans 82 pays et les données dont l’AIEA dispose sur 84 pays supplémentaires, on s’aperçoit que les difficultés d’approvisionnement en radio-isotopes, le manque de main-d’œuvre formée et les obstacles réglementaires compliquent la mise en place de traitements radio-isotopiques.
« Ces données soulignent à la fois les avantages potentiels de la théranostique et le besoin urgent d’agir pour élargir son accès. Le rapport montre combien il est important de veiller à disposer des fournitures, de l’équipement, de l’infrastructure et du personnel nécessaires pour assurer une prise en charge optimale des patients en théranostique – une technique de lutte contre le cancer en plein essor », souligne Andrew Scott, coauteur principal du rapport et professeur à l’Université de Melbourne et à l’Université La Trobe à Melbourne (Australie). La Commission dresse une liste de mesures et d’investissements susceptibles d’améliorer l’accès à la radiothérapie et à la théranostique dans le monde, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire, pour que les pays puissent en tirer des avantages sanitaires et économiques et réduisent le fardeau du cancer.
« Dans le monde, trop de patients sont privés d’un accès à des soins de qualité contre le cancer. Face à cette inégalité, le rapport de la Commission de la revue The Lancet Oncology présente des données et des recommandations pertinentes pour nous aider à garantir l’accès aux soins que chaque patient mérite, explique le Directeur général de l’AIEA, Rafael Mariano Grossi. Par l’intermédiaire d’initiatives comme Rayons d’espoir, nous nous efforçons de combler ces lacunes en élargissant l’accès aux services de radiothérapie et en mettant en place des capacités de soins contre le cancer durables dans les pays à revenu faible et intermédiaire, tout en veillant à ce qu’aucun patient ne soit laissé pour compte. »
L’initiative Rayons d’espoir de l’AIEA a été lancée en 2022 à Addis-Abeba en marge du Sommet de l’Union africaine, avec l’appui des chefs d’État africains et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). L’initiative vise à élargir l’accès aux soins contre le cancer dans les pays à revenu faible et intermédiaire en améliorant la disponibilité des services de radiothérapie, d’imagerie médicale et de médecine nucléaire. Un réseau de centres d’excellence régionaux (en anglais) fournit un soutien ciblé et une expertise aux pays voisins, en mettant l’accent sur la formation théorique et pratique, la recherche et l’assurance de la qualité.