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Centrales de démonstration à fusion

Un tremplin vers la production d’électricité commerciale à grande échelle

Irena Chatzis, Matteo Barbarino

Illustration d’une centrale à fusion transformant la chaleur de fusion en chaleur et en électricité. (Source : EUROfusion)

L’ITER, l’expérience de fusion la plus importante au monde, vise à montrer comment créer de l’énergie nette à partir d’une réaction de fusion. L’étape suivante, considérable, sera de montrer que la production nette d’électricité est possible à partir de l’énergie de fusion. C’est là qu’interviennent les centrales de démonstration à fusion, ou DEMO.

Les réacteurs de type DEMO tiennent plus du modèle de conception que de la configuration d’un dispositif de fusion particulier. Les modèles préliminaires des DEMO à financement public, en cours d’élaboration dans plusieurs pays, doivent encore être parachevés compte tenu des résultats des expérimentations de l’ITER.

Les DEMO seront conçues pour fonctionner presque en continu et atteindre une production nette d’électricité de plus de 50 mégawatts (MW). La principale difficulté à résoudre sera de maintenir le plasma de fusion stable assez longtemps pour produire de l’énergie en continu.

Il reste de nombreux points à décider mais une DEMO à financement public devrait être un réacteur de type tokamak et utiliser comme combustibles le deutérium et le tritium, isotopes lourds de l’hydrogène. Or, la quantité de tritium disponible dans le monde est limitée ; les DEMO devront donc produire elles-mêmes suffisamment de tritium à l’aide de « couvertures » qui le généreront et l’extrairont. Des difficultés concernant l’alimentation, la consommation, le confinement, l’extraction et la séparation du tritium devront aussi être résolues, explique Sehila Gonzalez de Vicente, physicienne spécialiste de la fusion nucléaire à l’AIEA.

Une autre différence majeure entre les réacteurs de type DEMO et les autres réacteurs expérimentaux sera l’ajout de dispositifs et de techniques permettant de recueillir l’énergie de fusion et de la convertir en électricité.

« Les machines de type DEMO nécessitent de concevoir et d’intégrer des composants et des systèmes complexes absents des machines de fusion expérimentales existantes, notamment des couvertures pour la production de tritium et des dispositifs de production d’électricité et de contrôle de brûlage », dit Elizabeth Surrey, responsable de la technologie à l’Autorité de l’énergie atomique du Royaume-Uni. « Les conditions de fonctionnement d’une DEMO mettent les matériaux à rude épreuve : le plasma en combustion soumet les parois à un flux élevé de neutrons et de fortes puissances volumiques. Les DEMO nécessitent la mise au point de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies ».

Les DEMO nécessitent la mise au point de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies.
Elizabeth Surrey, responsable de la technologie, Autorité de l’énergie atomique du Royaume-Uni.

Rôle de l’AIEA

Dans plusieurs pays, des groupes de chercheurs se penchent sur diverses façons de concevoir une DEMO. L’AIEA facilite la coordination internationale et l’échange de meilleures pratiques en organisant une série de réunions techniques et, depuis 2012, ses ateliers réguliers au titre du programme DEMO. Ces plateformes permettent d’examiner des questions de physique et de technologie, de mettre en commun les stratégies des programmes DEMO et d’analyser les façons possibles de procéder. Au fil du temps, les visées générales ont fait place à l’examen des difficultés techniques précises à surmonter.

« En s’attachant à déceler les problèmes et à examiner la recherche-développement en cours, les séries de réunions techniques de l’AIEA et les ateliers au titre du programme DEMO permettent à l’ensemble des parties intéressées de définir les prescriptions et de rechercher des solutions possibles de manière collaborative. Un exemple est le contrôle du plasma, question majeure pour les machines de type DEMO où il faut que le plasma soit en combustion longtemps, presque en continu », dit Elizabeth Surrey, qui a présidé les trois derniers ateliers au titre du programme DEMO, entre 2016 et 2019.

Projets dans le monde

Plusieurs moyens de produire de l’électricité de fusion sont à l’étude mais on sait quelles sont les questions de science et de technologie à résoudre. Chaque pays a son propre calendrier mais les scientifiques s’accordent à dire qu’un réacteur de type DEMO capable de produire de l’électricité pourrait être construit d’ici à 2050.

En Chine, des progrès considérables ont été faits dans la planification du réacteur de fusion expérimental (China Fusion Engineering Test Reactor, ou CFETR). Ce réacteur aidera à passer le cap de l’ITER aux DEMO. La construction du CFETR commencera dans les années 2020 et celle d’une DEMO dans les années 2030.

En Europe, c’est EUROfusion qui se charge de la conception d’une DEMO. Le projet, actuellement en phase d’étude de conception (2021-2027), vise à démontrer la viabilité technologique et économique de la fusion en produisant plusieurs centaines de MW d’électricité nette.

L’Inde a annoncé qu’elle prévoyait de commencer à construire un dispositif appelé SST-2 pour qualifier les composants d’une DEMO vers 2027 puis en commencer la construction en 2037.

L’équipe spéciale japonaise de conception d’une DEMO effectue actuellement l’étude de conception d’une DEMO à régime permanent (JA DEMO) dont la construction devrait commencer vers 2035.

En 2012, la République de Corée a entamé l’étude de conception d’une K-DEMO, qu’elle compte construire d’ici 2037 et qui pourrait commencer à produire de l’électricité à partir de 2050. La première phase (2037-2050) servira à mettre au point et tester des composants qui seront ensuite utilisés. On espère que la seconde phase, après 2050, aboutira à la production nette d’électricité.

La Russie prépare une installation hybride fusion-fission dotée d’une source de neutrons de fusion, la DEMO Fusion Neutron Source (DEMO-FNS), qui récupèrera les neutrons générés par la fusion pour transformer l’uranium en combustible nucléaire et détruire les déchets radioactifs. Cette installation, qui devrait être construite d’ici à 2023, s’inscrit dans la stratégie accélérée que le pays a adoptée pour construire une centrale à fusion d’ici 2050.

Aux États-Unis d’Amérique, des spécialistes de la fusion ont récemment publié deux rapports recommandant de démarrer un programme national de recherche et de technologie assorti de partenariats public-privé pour aboutir à la viabilité commerciale de la fusion en 2035-2040, afin de positionner le pays à la pointe de la fusion et d’accélérer le passage à l’énergie bas carbone, d’ici à 2050.

En parallèle, de nombreuses entreprises commerciales à fonds privés s’emploient à concevoir des centrales à fusion, faisant fond sur le savoir-faire accumulé au fil d’années de recherche-développement à financement public, et proposent un plan de marche encore plus accéléré.

05/2021
Vol. 62-2

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