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Œuvrer à la durabilité des radiopharmaceutiques utilisés pour soigner le cancer en Afrique

Puja Daya

Des sessions de formation pratique sur l’utilisation des radiopharmaceutiques avec des experts africains se sont tenues en Indonésie. (Photo : Agence nationale de l’énergie nucléaire (BATAN) de l’Indonésie)

Le cancer est l’une des principales causes de décès partout dans le monde, mais il frappe particulièrement les pays à faible revenu. Sans l’utilisation de radiopharmaceutiques – des médicaments contenant des radio-isotopes – les capacités des médecins de ces pays à détecter et à traiter le cancer sont limitées.

Ce problème est particulièrement critique en Afrique. Pour y remédier, l’AIEA aide les pays africains à acquérir une expertise grâce à des programmes de formation théorique et pratique, et à développer leurs propres installations pour produire localement des radiopharmaceutiques qui, dans de nombreux cas, ont une courte durée de conservation et doivent être utilisés rapidement après leur production.

Établir une production locale et indépendante de radiopharmaceutiques permettra aux pays africains de moins dépendre des importations et de l’expertise de l’extérieur et contribuera à réduire les coûts. Disposer de radiopharmaciens formés et qualifiés est la clé de cette stratégie.

« Sans radiopharmaciens qualifiés, l’utilisation durable des radiopharmaceutiques pour le traitement du cancer est presque impossible », a déclaré Aruna Korde, un scientifique spécialiste des radiopharmaceutiques à l’AIEA. Aruna Korde travaille avec les autorités compétentes dans les domaines de la santé et de l’éducation en Afrique afin de renforcer la formation des radiopharmaciens locaux. « Les pays ont besoin de leurs propres radiopharmaciens pour contribuer au diagnostic des patients atteints de cancer le plus rapidement possible, et nous y contribuons en déclinant la formation des radiopharmaciens en différentes langues supplémentaires », a déclaré Aruna Korde.

Dans le cadre d’un projet de coopération technique de l’AIEA, en collaboration avec le Gouvernement marocain, un programme de master en radiopharmacie en langue française a été créé pour remédier à la pénurie de radiopharmaciens qualifiés en Afrique. En 2021, la première promotion du programme a été diplômée, ce qui a permis au Burkina Faso, à la Côte d’Ivoire, à Maurice et à la République démocratique du Congo de disposer pour la première fois de leurs propres radiopharmaciens certifiés. Une collaboration similaire avec l’Afrique du Sud a permis à des radiopharmaciens d’Éthiopie, du Kenya, d’Ouganda et de Zambie de terminer leurs programmes de master. En outre, des radiopharmaciens continuent d’être formés en Afrique dans le cadre de formations pratiques.

Pour améliorer la connaissance des radiopharmaceutiques dans la région, l’AIEA contribue à la création de l’Association africaine de radiopharmacie, prévue en février 2022. L’Association créera un réseau de professionnels de la radiopharmacie qui collaboreront et partageront des données d’expérience. Dans le cadre de cette initiative, l’AIEA soutient à la fois l’établissement d’un centre pédagogique régional pour former des radiopharmaciens et la modernisation des installations pour favoriser une production de radiopharmaceutiques permettant d’atteindre l’autosuffisance.

Extension et modernisation des installations de radiopharmacie

Étant donné que le domaine des radiopharmaceutiques évolue rapidement et que des techniques de diagnostic plus avancées, comme la tomographie à émission de positrons (TEP) et la radiothérapie, deviennent de plus en plus courantes, les pays qui découvrent les radiopharmaceutiques doivent rattraper rapidement leur retard, a expliqué Aruna Korde.

Plusieurs pays africains travaillent à l’expansion et à la modernisation de leurs installations de production de radiopharmaceutiques, avec l’aide du programme de coopération technique de l’AIEA et dans le cadre de projets de recherche coordonnée de l’AIEA.

Grâce au soutien de l’AIEA, la Tunisie a pu commencer à utiliser la TEP, tandis que l’Algérie a récemment installé et mis en service un cyclotron médical – une machine qui permet au pays de produire ses propres radiopharmaceutiques et d’utiliser couramment l’imagerie TEP pour de nombreux types de cancers, comme les lymphomes et les cancers du poumon et du côlon. Cela a également permis de recourir au marquage avec le radio-isotope gallium 68, qui est utilisé pour le diagnostic et la stadification du cancer de la prostate et des tumeurs neuroendocrines. L’imagerie TEP permettra également d’introduire une thérapie efficace et ciblée pour le traitement du cancer.

Les techniques de médecine nucléaire et d’imagerie TEP sont essentielles pour la prise en charge du cancer, mais elles sont de plus en plus coûteuses et inaccessibles dans de nombreux pays. Grâce au cyclotron nouvellement installé en Algérie, il est désormais possible de produire facilement de grandes quantités de radiopharmaceutiques pour aider à diagnostiquer et à traiter davantage de patients chaque jour.

« Le développement et l’utilisation des radiopharmaceutiques et de leurs applications au cours des dernières années nous ont permis d’étendre nos connaissances en matière de détection et d’évaluation et de mieux traiter divers types de cancers, ce qui était impossible auparavant », a déclaré Salah Bouyoucef, professeur de médecine nucléaire au Centre hospitalier universitaire de Bab El Oued (Algérie).

Grâce aux initiatives de l’AIEA, des pays africains qui auparavant n’avaient aucune capacité de production et d’utilisation de radiopharmaceutiques en ont aujourd’hui, ou en auront bientôt. L’Éthiopie, par exemple, est en train de construire son premier cyclotron médical au St. Paul’s Hospital Millennium Medical College à Addis-Abeba.

 

EN SAVOIR PLUS

Comment les radiopharmaceutiques fonctionnent et combattent le cancer

La radiopharmacie recouvre la préparation et la manipulation de radiopharmaceutiques à des fins de diagnostic, de traitement et de soins palliatifs, et est de plus en plus utilisée pour la prise en charge du cancer. Elle permet la détection des tumeurs, le choix de thérapies appropriées et le suivi et l’évaluation du comportement d’une tumeur. Les radiopharmaceutiques sont produits dans des hôpitaux ou dans des radiopharmacies industrielles par des radiopharmaciens, qui doivent veiller à la qualité des produits et à leur sûreté radiologique.

Les radiopharmaceutiques contiennent de petites quantités de substances radioactives appelées radio-isotopes, c’est à dire des atomes qui émettent des rayonnements. Pour produire les radio-isotopes utilisés dans les radiopharmaceutiques, on irradie une cible donnée à l’intérieur d’un réacteur nucléaire de recherche ou d’un accélérateur de particules tel qu’un cyclotron. Ces radio-isotopes sont ensuite liés à certaines molécules choisies en fonction de leurs caractéristiques biologiques. C’est ainsi qu’on obtient des radiopharmaceutiques.

Une fois dans le corps du patient, les différentes caractéristiques physiques et les propriétés biologiques des radiopharmaceutiques les font interagir ou se lier à différentes protéines ou récepteurs. Les médicaments ont tendance à se concentrer davantage dans certaines parties du corps, en fonction des processus physiologiques et des caractéristiques biologiques du radiopharmaceutique. Grâce à des caméras spéciales, les médecins peuvent examiner avec précision les cellules cancéreuses en sélectionnant des types spécifiques de radiopharmaceutiques qui se lient aux tumeurs et les rendent distinctives. Si le radio-isotope émet un rayonnement particulaire, le radiopharmaceutique peut également être utilisé dans des applications thérapeutiques.

 

 

02/2022
Vol. 63-1

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