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Face au virus de la grippe aviaire en constante mutation, la recherche vaccinale s’organise

Wolfgang Picot

L’AIEA fournit une aide cruciale en appuyant l’équipement de laboratoires et la formation de scientifiques à l’utilisation des techniques dérivées du nucléaire pour un diagnostic rapide. (Photo : Laura Gil Martinez/AIEA)

Dans la plupart des cas, la grippe aviaire touche les oiseaux de la même manière que la grippe touche les humains : certains ne ressentent rien, d’autres ont des symptômes bénins et d’autres encore, plus rares, meurent. Comme celui de la grippe humaine, le virus de la grippe aviaire, en constante mutation, a évolué en de nombreuses souches différentes. Certaines peuvent être plus infectieuses ou mortelles que les autres — causant ce que l’on appelle la grippe aviaire hautement pathogène — et certaines peuvent être transmises aux humains. Surveiller le développement d’un virus et trouver des solutions pour le garder sous contrôle est donc une question de santé publique.

En 1996, une variante agressive — hautement pathogène — du virus de la grippe aviaire connue sous le nom de H5N1 est apparue en Chine. En 2003, elle était devenue un problème mondial, tuant des millions de volailles à travers le monde et causant plusieurs milliards d’euros de dommages d’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Partout dans le monde, les entreprises avicoles ont subi des pertes et les autorités se sont empressées d’imposer des mesures de contrôle pour limiter l’impact de la maladie. Les petits éleveurs et producteurs d’Asie de l’Est et du Sud-Est ont été particulièrement touchés.

La grippe aviaire H5N1 est une zoonose, ce qui signifie qu’elle peut se transmettre aux personnes en contact étroit avec les oiseaux infectés et les rendre malades. S’il est vrai que le nombre total de transmissions a été relativement faible et qu’il n’y a pas eu de transmission soutenue de personne à personne, les conséquences ont été lourdes pour la plupart des personnes infectées. D’après D’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 862 infections humaines au virus H5N1 seulement ont été signalées dans 17 pays entre 2003 et 2020, mais plus de la moitié des cas ont été mortels.

La grippe aviaire H5N1 est toujours active dans de nombreuses régions et des contrôles rigoureux sont appliqués partout dans le monde pour empêcher sa propagation. De nouvelles variantes agressives pourraient toutefois apparaître à tout moment, avec potentiellement de lourdes conséquences pour le commerce international, la santé publique, le tourisme et les voyages internationaux et les moyens d’existence des aviculteurs. Les scientifiques cherchent de nouvelles solutions pour garder le virus sous contrôle.

La vaccination, partie de la solution

Outre la surveillance des animaux d’élevage aux fins de la détection des maladies, la mise en œuvre consécutive de protocoles sanitaires et d’autres mesures comme la vaccination est essentielle pour la maîtrise de la grippe aviaire. Cependant, la plupart des méthodes de développement vaccinal sont longues et complexes. Une technique nucléaire mise au point actuellement dans les laboratoires de l’AIEA et de la FAO à Seibersdorf (Autriche) pourrait permettre de développer des vaccins plus rapidement et de combattre les nouvelles souches avec plus d’efficacité.

« L’AIEA est à la pointe de la technologie nucléaire. En même temps, nous avons aussi une vaste expérience en matière d’immunologie animale », explique Giovanni Cattoli, Chef du Laboratoire de la production et de la santé animales du Centre mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture. « Grâce à cette combinaison, nos laboratoires sont bien placés pour mener des travaux de recherche-développement sur des vaccins nouveaux et innovants à usage vétérinaire. »

La méthode étudiée actuellement suit le principe de la production vaccinale par inactivation virale, qui consiste à ôter aux virus toute capacité d’infecter des cellules et de se reproduire. Lorsque ces virus inoffensifs sont introduits dans l’organisme des animaux, le système immunitaire de ces derniers prend connaissance de leurs propriétés, ce qui lui permet d’organiser une défense spécifique contre une infection réelle.

Plus rapide et plus efficace

Lorsqu’on inactive un virus, il est crucial de conserver sa structure physique aussi intacte que possible. De cette manière, le système immunitaire reconnaît le virus comme tel et peut réagir efficacement aux futures infections. Les scientifiques appellent cette propriété « antigénicité » et s’efforcent de la préserver chez les virus inactivés pour mettre au point des vaccins efficaces. Pour ce faire, ils ont recours à l’irradiation.

Les stratégies classiques de production vaccinale reposent sur des méthodes d’inactivation chimiques ou thermiques, qui risquent d’endommager les virus et de détruire leur antigénicité. L’exposition des virus à des doses de rayonnements prédéterminées pourrait être plus efficace, car elle préserve davantage les structures virales.

« On préserve la structure de la protéine virale en utilisant des quantités exactes de rayonnement. Ainsi, le système immunitaire pourra mieux reconnaître et combattre l’infection », explique Viskam Wijewardana, chercheur principal de l’AIEA sur la mise au point de vaccins et l’immunologie.

« Cette méthode pourrait permettre de lutter contre les nouvelles souches de virus en constante mutation plus rapidement et plus efficacement que les méthodes utilisées actuellement dans le secteur. En définitive, un plus grand nombre d’oiseaux et, potentiellement, de vies humaines pourraient être sauvées », ajoute M. Wijewardana. L’AIEA mène actuellement des expériences pour déterminer la quantité de rayonnements nécessaire pour produire un vaccin efficace.

Une fois le virus irradié, les scientifiques de l’AIEA utilisent la microscopie électronique pour vérifier son intégrité structurale. Avec le temps, les données collectées lors de ces expériences renseigneront sur la quantité de rayonnements à appliquer pour obtenir des résultats optimaux. Des tests supplémentaires permettront de déterminer si la réponse immunitaire provoquée par ce prototype de vaccin peut effectivement reconnaître et neutraliser le virus infectieux, protégeant ainsi les animaux contre la maladie.

L’AIEA et la FAO publieront les résultats de leurs recherches en libre accès pour les scientifiques, qui pourront ainsi les exploiter pour développer et fabriquer des vaccins. La stratégie proposée, si elle porte ses fruits, pourrait aider à produire des vaccins pour combattre les nouvelles souches de virus de manière relativement rapide et économique. Elle pourrait aussi faciliter la lutte contre les futures épidémies de grippe aviaire et d’autres maladies animales et zoonoses transfrontières.

09/2021
Vol. 62-3

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