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Comment l’économie circulaire transforme le déclassement des installations nucléaires

Artem Vlasov

La ville de Grenoble comptait six installations nucléaires. Après leur déclassement, leur site abrite aujourd’hui un centre de recherche-développement dans le domaine des énergies renouvelables. (Photo : Unsplash)

Le modèle économique linéaire traditionnel (extraction des matériaux, transformation en produits manufacturés, élimination après consommation) est souvent l’objet de critiques en raison de la quantité considérable de déchets et de pollution qu’il génère, et de sa contribution au changement climatique et à l’appauvrissement de la biodiversité. Selon le groupe international d’experts sur les ressources du Programme des Nations Unies pour l’environnement, l’extraction et la transformation des ressources naturelles sont responsables d’environ la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

L’économie circulaire, qui s’écarte de ce modèle, permet de réduire les déchets et la pollution qui leur est associée. Il s’agit d’un modèle de production et de consommation qui vise à prolonger au maximum l’utilisation des ressources par des procédés d’économie, de réutilisation et de recyclage.

L’adoption des principes de l’économie circulaire pour le déclassement des installations nucléaires peut présenter de nombreux avantages. Le déclassement est un processus multidisciplinaire, s’étendant sur au moins dix ans en général, qui comporte des opérations de décontamination, de démantèlement et de démolition d’installations nucléaires en vue de la levée du contrôle réglementaire sur leur site et de sa réutilisation. Recycler les matériaux au cours de ce processus permet de réduire la production de déchets, ainsi que le coût du déclassement et le risque de retards.

« En appliquant les principes de l’économie circulaire au déclassement, nous pouvons réduire la quantité de déchets radioactifs et non radioactifs à stocker et, en même temps, la quantité de matières premières extraites du sol », a déclaré Arne Larsson, responsable de la technologie des déchets radioactifs et du déclassement chez Cyclife Sweden. « Nous pouvons réutiliser les matériaux et les équipements des installations, structures et bâtiments existants et favoriser la remise à disposition du site à d’autres fins. »

Plus de 200 réacteurs nucléaires dans le monde ont été mis à l’arrêt pour déclassement, et il en sera de même dans les décennies à venir pour des centaines de réacteurs encore en service. De nos jours, des plans de déclassement et de gestion des déchets sont établis au stade de la conception d’une installation nucléaire avant même le début du chantier. En revanche, les modèles de réacteurs construits dans les années 1960 et 1970 ne tenaient pas compte des principes de circularité.

L’adoption des principes de l’économie circulaire peut fournir des lignes directrices pour la réduction du volume des déchets et l’amélioration de l’efficacité et de la durabilité.
Vladimir Michal, chef par intérim de la Section du déclassement et de la remédiation de l’environnement de l’AIEA.

Cependant, même les installations anciennes peuvent être déclassées efficacement grâce à ces principes : jusqu’à 90 % des matériaux non radioactifs d’une centrale nucléaire, tels que les métaux, le béton et même les vêtements de travail, sont réutilisables ou recyclables. Seuls environ 3 % des matériaux sont hautement radioactifs. Il s’agit principalement de combustible usé, et même dans ce cas, plus de 95 % peut être retraité aux fins de la fabrication de nouveaux combustibles et de sous-produits.

« L’adoption des principes de l’économie circulaire peut fournir des lignes directrices pour la réduction du volume des déchets et l’amélioration de l’efficacité et de la durabilité », a déclaré Vladimir Michal, chef par intérim de la Section du déclassement et de la remédiation de l’environnement de l’AIEA. « Le déclassement des installations nucléaires génère des quantités considérables de matériaux qui peuvent être recyclés et réutilisés à d’autres fins. »

De six installations nucléaires à un centre d’énergies renouvelables

Le recyclage est déjà largement répandu dans les travaux de déclassement. Après le démantèlement, les grands composants métalliques peuvent être fondus et transformés en métal « neuf » et réintégrés au circuit économique. Il est également possible de réutiliser des pièces d’équipement pour d’autres installations nucléaires en activité ; et les matériaux provenant des bâtiments démolis, tels que le béton, peuvent servir au remblaiement lors de la réhabilitation du site, ou pour d’autres projets de construction, comme des maisons et des routes. Par exemple, lors du déclassement du réacteur de recherche australien MOATA, situé à Sydney, en 2009, plus de 85 % des matériaux ont été réutilisés ou recyclés.

Les matériaux issus du déclassement qui ne peuvent pas être décontaminés et nettoyés pour être réutilisés ou recyclés sont stockés dans des dépôts pour déchets radioactifs de différents types, jusqu’à ce qu’ils ne présentent plus de danger pour l’homme ou l’environnement (voir cet article).

Il existe plusieurs exemples de sites nucléaires qui ont été réaffectés à des fins médicales ou industrielles, y compris des centrales, des réacteurs de recherche et d’autres installations. Les sites des centrales nucléaires peuvent être transformés en installations de traitement et d’entreposage des déchets ou en centres de recherche pour la formation du personnel d’exploitation. Ils peuvent aussi devenir des parcs industriels, et les bâtiments peuvent être réaffectés à d’autres industries traditionnelles, ce qui permet d’attirer des entreprises et de créer de nouveaux emplois.

Dans la ville de Grenoble, six installations nucléaires – trois réacteurs de recherche, un laboratoire et deux installations d’entreposage de déchets radioactifs – ont été décontaminées et démantelées en 2012. Leur site abrite aujourd’hui un centre de recherche-développement consacré aux technologies de l’énergie verte et aux sources d’énergies renouvelables, notamment les véhicules électriques, les batteries et l’hydrogène.

L’AIEA offre aux pays, aux organisations et aux particuliers un espace de coopération et de partage des connaissances et des technologies dans le domaine du déclassement. Sa plateforme d’apprentissage en ligne propose des cours sur le déclassement, la remédiation de l’environnement, et la gestion des déchets radioactifs et du combustible usé.

L’AIEA a créé en 2007 le Réseau international sur le déclassement (IDN) pour permettre aux spécialistes du déclassement de collaborer et de se concerter. En outre, elle soutient le renforcement des capacités dans les États Membres et favorise les missions d’experts, les services d’examen par des pairs et les services consultatifs pour les programmes de déclassement et d’autres activités connexes, telles que la gestion des déchets radioactifs et du combustible usé.

« L’économie circulaire propose une doctrine prometteuse pour adapter l’industrie aux principes de durabilité et de circularité, en réduisant l’impact sur l’environnement et en préservant les ressources pour les générations futures », a conclu M. Michal.

04/2023
Vol. 64-1

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