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Comment la RT-PCR en temps réel permet-elle de détecter le virus de la COVID-19 ?

Nicole Jawerth

Alors que le coronavirus responsable de la COVID-19 se propage dans le monde entier, l’AIEA, en partenariat avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), propose aux pays une assistance et met à disposition ses compétences pour les aider à utiliser la réaction de polymérisation en chaîne après transcription inverse en temps réel (RT-PCR en temps réel), l’une des méthodes de laboratoire les plus rapides et les plus précises qui soient pour détecter, suivre et étudier le virus à l’origine de cette maladie.

Mais qu’est-ce que la RT-PCR en temps réel ? Comment fonctionne-t-elle ? En quoi diffère-t-elle de la PCR ? Et qu’a-t-elle à voir avec la technologie nucléaire ? Nous avons voulu, dans l’article qui suit, expliquer cette technique et notamment son fonctionnement, et revenir sur quelques points concernant les virus et la génétique.

Qu’est-ce que la RT-PCR en temps réel ?

La RT-PCR en temps réel est une technique dérivée du nucléaire qui permet de détecter la présence de matériel génétique propre à un agent pathogène, notamment un virus. Initialement, le matériel génétique cible était détecté au moyen de marqueurs isotopiques radioactifs, mais la méthode a ensuite été perfectionnée et d’autres types de marqueurs, le plus souvent des colorants fluorescents, remplacent aujourd’hui les isotopes. Avec cette technique, les scientifiques peuvent visualiser les résultats de façon presque immédiate, avant que le processus soit terminé, tandis que la RT-PCR classique ne livre ses résultats que tout à la fin.

La RT-PCR en temps réel est l’une des techniques de laboratoire les plus utilisées pour détecter le virus de la COVID-19. De nombreux pays y ont eu recours pour dépister d’autres maladies, notamment les maladies à virus Ebola et à virus Zika, mais nombreux aussi sont ceux qui ont encore besoin d’une assistance pour adapter la méthode au virus de la COVID-19 et renforcer leurs capacités de diagnostic à l’échelle nationale.

Qu’est-ce qu’un virus et qu’est-ce que le matériel génétique ?

Un virus est un organisme microscopique constitué de matériel génétique entouré d’une enveloppe moléculaire. Ce matériel génétique peut être composé d’acide désoxyribonucléique (ADN) ou d’acide ribonucléique (ARN).

ARN-ADN

L’ADN est une molécule à deux brins présente dans tout type d’organismes, notamment les animaux, les plantes et certains virus, qui contient le code génétique, c’est-à-dire le programme selon lequel l’organisme se forme et se développe.

L’ARN est une molécule, généralement composée d’un seul brin, qui copie, ou transcrit, une partie du code génétique de l’organisme pour la transmettre à des protéines qui synthétisent des molécules nécessaires à l’accomplissement des fonctions essentielles à la vie et au développement de l’organisme. Il existe différents types d’ARN permettant la copie, ou transcription, et la transmission du matériel génétique.

ARN-ADN

Certains virus, dont le coronavirus SARS-CoV-2, qui est responsable de la COVID-19, ne contiennent que de l’ARN, ce qui signifie qu’ils ont besoin de s’infiltrer dans des cellules saines pour se multiplier et survivre. Une fois dans la cellule, le virus utilise son propre code génétique (de l’ARN dans le cas du virus de la COVID-19) pour prendre le contrôle de celle-ci et la « reprogrammer » pour qu’elle se mette à produire des virus.

Pour détecter précocement ce type de virus dans l’organisme à l’aide de la RT-PCR en temps réel, les scientifiques doivent convertir son ARN en ADN selon un processus appelé « transcription inverse ». Cette étape est nécessaire car seul l’ADN peut être copié, ou « amplifié », en laboratoire. Or, l’amplification est une étape clé du processus de RT-PCR en temps réel pour la détection des virus.

Les scientifiques amplifient plusieurs centaines de milliers de fois une partie de l’ADN viral transcrit. L’amplification est une étape importante car elle permet aux scientifiques d’obtenir une quantité suffisamment grande de séquences d’ADN viral cibles pour pouvoir confirmer avec exactitude la présence du virus, et leur évite d’avoir à rechercher une quantité infime du virus parmi des millions de brins d’information génétique.

Comment fonctionne la RT-PCR en temps réel avec le virus de la COVID-19 ?

On prélève un échantillon sur les parties du corps où le virus responsable de la COVID-19 s’accumule, comme le nez ou la gorge. On traite l’échantillon avec plusieurs solutions chimiques pour le débarrasser de certaines substances, notamment les protéines et les graisses, et extraire uniquement l’ARN qu’il contient. L’ARN ainsi extrait est composé à la fois du matériel génétique de la personne et, s’il est présent, de l’ARN du virus.

L’ARN est alors converti en ADN, lors de la transcription inverse, grâce à une enzyme spécifique. Les scientifiques ajoutent ensuite de courts fragments d’ADN complémentaires de certaines séquences de l’ADN viral transcrit. Si le virus est présent dans l’échantillon, ces fragments s’attachent aux séquences d’ADN viral cibles. Certains des fragments d’ADN ajoutés servent uniquement à construire de nouveaux brins d’ADN lors de l’amplification, tandis que les autres servent aussi au marquage des brins qui permettront de détecter le virus.

Le mélange est ensuite placé dans un appareil de RT-PCR, où il est chauffé et refroidi suivant des cycles qui déclenchent des réactions chimiques permettant d’obtenir de nouvelles copies, identiques, des séquences d’ADN viral cibles. Les cycles se répètent de nombreuses fois pour continuer à copier ces séquences. À chaque cycle, la quantité double : on passe de deux copies à quatre, puis de quatre à huit, et ainsi de suite. Le processus de RT-PCR en temps réel comprend généralement 35 cycles, ce qui signifie qu’à la fin du processus environ 35 milliards de nouvelles copies des séquences d’ADN viral sont produites à partir de chaque brin d’ARN viral présent dans l’échantillon.

À mesure que les copies des séquences de l’ADN viral sont produites, les marqueurs se fixent sur les brins d’ADN et émettent une fluorescence qui est mesurée par l’ordinateur de l’appareil. Les résultats s’affichent en temps réel à l’écran. L’ordinateur effectue un suivi de la quantité de fluorescence dans l’échantillon à la fin de chaque cycle. Lorsque le niveau de fluorescence dépasse un certain seuil, la présence du virus est confirmée. Le nombre de cycles nécessaires pour atteindre ce seuil permet également aux scientifiques d’estimer la gravité de l’infection : plus le seuil est atteint rapidement, plus l’infection est grave.

Pourquoi utiliser la RT-PCR en temps réel ?

La technique de RT-PCR en temps réel, hautement sensible et spécialisée, permet d’établir un diagnostic fiable en seulement trois heures, bien que les laboratoires mettent six à huit heures en moyenne. Elle est beaucoup plus rapide que les autres méthodes d’isolement de virus disponibles et présente un risque plus faible de contamination ou d’erreur puisque toutes les étapes peuvent être réalisées dans un tube fermé. De toutes les techniques disponibles, elle reste la plus précise pour le dépistage du virus de la COVID-19.

Mais étant donné que les virus ne sont présents dans l’organisme que pendant une certaine durée, la RT‑PCR en temps réel ne permet pas de déterminer si un individu a été infecté par le passé, ce qui est pourtant essentiel pour comprendre comment le virus se développe et se propage. Pour détecter, suivre et étudier les infections passées, en particulier les infections asymptomatiques qui auraient contribué à la propagation du virus, d’autres méthodes sont nécessaires.

Qu’est-ce que la PCR et en quoi diffère-t-elle de la RT-PCR en temps réel ?

La RT-PCR est une variante de la PCR, ou réaction de polymérisation en chaîne. Les deux techniques reposent sur le même processus, mais la RT-PCR prévoit une étape supplémentaire, la transcription inverse de l’ARN en ADN, ou RT, qui est nécessaire pour pouvoir passer à l’amplification du matériel génétique. La PCR ne peut donc être utilisée que sur des agents pathogènes, tels que des virus et des bactéries, qui contiennent déjà de l’ADN, alors que la RT-PCR permet de transcrire l’ARN en ADN, pour ensuite l’amplifier. Les deux méthodes se prêtent à un suivi « en temps réel », c’est-à-dire que les résultats peuvent être visualisés de façon presque immédiate, alors qu’avec les versions « classiques » du test, les résultats ne peuvent être obtenus qu’à la toute fin de la réaction.

La PCR fait partie des tests de dépistage les plus utilisés pour détecter les agents pathogènes, notamment les virus, qui sont responsables de maladies comme la fièvre hémorragique à virus Ebola, la peste porcine africaine et la fièvre aphteuse. Étant donné que le virus de la COVID-19 renferme uniquement de l’ARN, on a recours à la RT-PCR en temps réel ou classique pour le détecter.

Depuis plus de 20 ans, l’AIEA, en partenariat avec la FAO, forme des experts du monde entier à l’utilisation de la technique de RT-PCR en temps réel et leur fournit du matériel, notamment dans le cadre de son réseau VETLAB, composé de laboratoires de diagnostic vétérinaire. Cette technique a aussi été récemment utilisée pour diagnostiquer d’autres maladies, comme les maladies à virus Ebola et à virus Zika, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et d’autres maladies animales importantes. Elle a également permis de détecter les principales zoonoses, qui sont des maladies animales transmissibles à l’homme.

06/2020
Vol. 61-2

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