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L’industrie des oranges du Cap-occidental sauvée grâce à une technique nucléaire

Les agrumes sont le deuxième produit agricole d’exportation de l’Afrique du Sud, la majeure partie de la production étant exportée. Cette filière emploie 10 % de la main-d’œuvre agricole du pays.  (Photo: M. Gaspar/AIEA)

Tous les matins, à 7 heures, un petit avion décolle, puis descend en piqué sur une vallée fertile située au cœur des montagnes pittoresques du Cap-occidental, en Afrique du Sud, où il lâche 1 million de pyrales prêtes à s’accoupler. Les insectes ont été élevés en masse et stérilisés à l’aide d’un irradiateur gamma et d’autres équipements spécialisés mis à disposition par l’AIEA en 2007. Grâce à cela, les vergers d’agrumes de la vallée du fleuve Olifants ne sont plus ravagés par le ver rose du cotonnier, et une industrie jadis sur le point de disparaître prospère à nouveau.

«En cinq ans seulement, l’infestation a été éradiquée,» déclare Martli Slabber, qui cultive des oranges, des clémentines et des citrons sur son exploitation de 100 hectares. «Nous sommes passés de deux fruits infestés par arbre chaque semaine à un seul par saison dans l’ensemble du verger».

«La réduction des populations de ver rose du cotonnier a permis à près de 10 000 personnes de conserver leur emploi», ajoute Gerrit van der Merwe, un producteur. «Sans les agrumes, il n’y aurait pas de travail ici.»

M. Slabber et M. van der Merwe font partie des 400 producteurs d’agrumes ayant recours aux services de la XSIT, entreprise appartenant à l’Association des producteurs d’agrumes d’Afrique du Sud, pour s’attaquer au ver rose du cotonnier, qui a son habitat naturel dans certaines parties du pays, notamment dans la vallée du fleuve Olifants. La larve de ce parasite se nourrit d’agrumes et en détruit la pulpe. 

La XSIT, qui tire son nom de la technique nucléaire de l’insecte stérile (TIS), produit et lâche chaque semaine 40 millions de pyrales stériles dans une zone de plus de 15 000 hectares. Nourris suivant un régime optimisé composé de maïs, de germe de blé et de poudre de lait, les parasites sont irradiés et lâchés lorsqu’ils sont à pleine maturité sexuelle. Stériles, ils s’accouplent avec des insectes sauvages sans produire de descendance, faisant ainsi diminuer la population au fil du temps (voir l’encadré En savoir plus).

Grâce à la TIS, qui est une technique écologique, nous n’utilisons plus de produits chimiques contre le ver rose du cotonnier.
Piet Smit, Producteur d'Oranges en Afrique du Sud

«Grâce à la TIS, qui est une technique écologique, nous n’utilisons plus de produits chimiques contre le ver rose du cotonnier», explique Piet Smit, qui produit 11 000 tonnes d’agrumes par an sur 250 hectares de terres. «De plus, nous n’avons plus à nous soucier de la concentration de résidus d’insecticides présents sur le fruit.»

«En raison de l’utilisation réduite de produits chimiques, la faune et la flore sauvages sont revenues dans le verger», ajoute M. van der Merwe.

Les agrumes, élément vital de l’économie de la région

Avec des exportations d’une valeur supérieure à 1,4 milliard de dollars en 2014, l’Afrique du Sud est le deuxième exportateur d’agrumes dans le monde. Ces fruits sont le deuxième produit agricole d’exportation du pays après le vin. La filière emploie 10 % de la main-d’œuvre agricole du pays.

(Source: Association des producteurs d’agrumes d’Afrique du Sud)

En 2005, les États-Unis, principal marché d’exportation des agrumes de la région, ont durci les normes en matière de qualité des importations et les mesures de réduction de l’infestation, car les autorités agricoles craignaient que le ver rose du cotonnier ne se propage dans le pays et ne mette en péril l’industrie des agrumes et du coton.

Autrefois, M. Slabber, M. van der Merwe et d’autres agriculteurs de la région perdaient, avant la récolte, entre 10 % et 15 % de leur production à cause des ravageurs, mais leurs véritables pertes étaient dues aux fruits infestés qui étaient expédiés, puis retournés par des inspecteurs des États-Unis. Si ceux-ci trouvaient ne serait-ce que trois larves dans une cargaison de 160 000 oranges, ils retournaient l’ensemble. «Nous envisagions sérieusement de changer de cultures», se souvient M. Slabber.

(Source: Association des producteurs d’agrumes, Afrique du Sud)

Recherche d’une nouvelle méthode

Vaughan Hattingh, biologiste et chercheur, actuellement directeur du Citrus Research International (CRI), estime qu’il était temps de trouver une nouvelle méthode de lutte contre les ravageurs. Le CRI a commencé ses travaux de recherche en radiobiologie et sur les techniques d’élevage pour voir si la TIS pouvait être appliquée au ver rose du cotonnier. En coopération avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Département de l’agriculture des États-Unis, l’AIEA fournit une expertise et un accès à un réseau de spécialistes travaillant sur l’utilisation de la TIS contre d’autres ravageurs.

Grâce au financement assuré par le programme de coopération technique de l’AIEA, M. Hattingh et ses collègues ont pu visiter, au Canada, une installation affectée à l’élevage d’un ver similaire, le carpocapse des pommes et des poires. Cela les a aidés à effectuer les travaux préparatoires à l’élevage et à la stérilisation d’un nombre suffisant d’insectes pour tester la technique sur un terrain de 35 hectares dans une partie du verger de M. Slabber isolée et particulièrement sujette aux infestations.

«Les résultats du test ont dépassé nos attentes», indique M. Hattingh. «Nous nous sommes rendu compte que le ver rose du cotonnier était un insecte sédentaire, alors nous avons pu traiter des zones isolément.» C’est cette caractéristique qui fait de ce ver un candidat de premier ordre pour la TIS : la lutte contre la population d’insectes dans une zone géographique définie, même aussi petite qu’un verger, permet de maintenir cette zone exempte d’insectes à long terme car les populations de vers ne volent généralement pas loin.

Partenariat public privé pour la lutte contre le ver

Compte tenu du succès de l’essai, l’Association des cultivateurs d’agrumes et le gouvernement sud africain ont cofondé la XSIT en vue de mettre au point la technique pour une utilisation à l’échelle industrielle. La superficie couverte par la XSIT a été multipliée par plus de dix depuis 2007 et les contrats passés par la société devraient permettre de l’étendre encore jusqu’à 21 000 hectares.

Des travaux de recherche sont en cours, non seulement pour perfectionner encore la technique, mais aussi pour la rendre disponible dans des régions reculées du pays. La méthode actuelle consistant à produire des insectes stériles à Citrusdal, ville du Cap-occidental, et à les transporter vers d’autres régions en vue d’un lâcher fonctionne bien pour le Cap-oriental voisin, mais ne convient pas pour des zones éloignées. Des chercheurs de la XSIT travaillent, avec l’appui de l’AIEA et de la FAO, sur une technique qui consiste à transporter les pupes en vue de leur irradiation sur un autre site, dans la partie nord-est du pays.

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