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La précision de l’atome au service d’une politique de santé à Maurice

Tiré du Bulletin de l’AIEA
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(Vidéo : L.Viegas Assumpcao et J. Weilguny)

Un vent de prospérité économique souffle sur Maurice, île animée située dans l’océan Indien. Si l’enrichissement a créé des possibilités, il a également entraîné une hausse des habitudes nuisibles à la santé. Dans de nombreux pays, l’accroissement de la richesse s’accompagne souvent d’une augmentation de la graisse abdominale et des maladies connexes, qui pourraient être évitées. Afin de mieux comprendre l’influence de la nutrition sur la santé nationale, des pays comme Maurice se tournent vers les techniques nucléaires.

« L’étude de la nutrition suscite de plus en plus d’intérêt, afin de mieux cibler les interventions en matière de santé et d’évaluer leurs effets », a déclaré Cornelia Loechl, chef de la Section de études de nutrition de l’AIEA. « De nombreux pays, comme Maurice, sont confrontés à un double fardeau : la dénutrition et les carences en micronutriments coexistent avec le surpoids et l’obésité, augmentant les risques de maladies non transmissibles liées au régime alimentaire », a-t-elle expliqué.

Au cours des dernières décennies, le produit intérieur brut de Maurice a triplé, principalement grâce au secteur du tourisme et à l’industrie textile, et le pays affiche maintenant l’un des revenus par habitant les plus élevés d’Afrique. L’accès à des soins de santé complets est gratuit, lesquels sont dispensés, pour la majorité de la population, par des centres régionaux de santé.

Cependant, en raison d’une consommation accrue de mets de la restauration rapide, conjuguée à une baisse de l’activité physique et à l’allongement de l’espérance de vie, le pays présente maintenant les plus forts taux d’obésité et de diabète d’Afrique. Le nombre de maladies non transmissibles s’est envolé : elles ont été responsables de 80 % des décès en 2016, le diabète à lui seul représentant 24 % de la mortalité et le cancer 12 %.

« La pathologie du cancer à Maurice est très différente de celle du continent africain », a expliqué Shyam Manraj, directeur des services de laboratoire et coordonnateur du registre national du cancer au Ministère de la santé et de la qualité de vie. « Le pays a les taux les plus élevés de cancer du sein, de cancer colorectal et de cancer de l’endomètre du continent. Ces types de cancer sont généralement liés au régime alimentaire », a-t-il ajouté.

Afin de faire face à cette charge croissante, les autorités mauriciennes ont décidé d’améliorer le suivi de l’obésité et de ses effets. Avec l’aide de l’AIEA, le pays a mené plusieurs études depuis 2009 pour mesurer la composition corporelle grâce à une méthode faisant appel aux isotopes stables, appelée la technique de dilution du deutérium (voir l’encadré « En savoir plus »). Ces études donnent une image plus précise que celles qui sont fondées sur des méthodes de mesure classiques, comme l’indice de masse corporelle (IMC).

Selon Cornelia Loechl, « la technique de dilution du deutérium permet de déterminer la quantité de graisse corporelle et la masse maigre. C’est important parce qu’une quantité élevée de graisse corporelle peut avoir des conséquences négatives sur la santé ».

Le Laboratoire central national de la santé de Maurice a commencé par étudier l’ampleur de l’obésité chez les enfants âgés de six à treize ans, afin de définir à quel moment ils commencent à être en surpoids et de déterminer les risques pour la santé que cela implique. Les résultats ont montré que l’IMC dans ce groupe d’âge sous-estimait l’obésité et le surpoids chez les garçons comme chez les filles, et que de nombreux jeunes seraient atteints de maladies chroniques dans un avenir proche. « Nous avons observé une augmentation de la résistance à l’insuline, ce qui signifie que les enfants sont prédisposés à des maladies non transmissibles, en particulier au diabète », a déclaré Noorejehan Joonus, chef des services de biochimie au Laboratoire central de la santé, qui dirige ces études.

« Nous avons communiqué nos résultats au Ministère de la santé et au Ministère de l’éducation, et la place de l’éducation physique a augmenté à l’école », a-t-il ajouté. « Les enfants pratiquent désormais une activité physique tous les jours, plutôt qu’une seule fois par semaine. »

En outre, le Gouvernement a renforcé d’autres mesures : une taxe qui existait déjà sur le sucre a été augmentée et la nourriture vendue dans les écoles est soumise à des contrôles plus stricts. Il a également développé les services de soutien à la nutrition dans tous les centres de santé régionaux. « Dans une phase prédiabétique, la situation est encore réversible, ce qui n’est plus le cas lorsque le diabète est déclaré, aussi donnons-nous très tôt des conseils en matière d’alimentation », a déclaré Anju Gowreesunkur, nutritionniste au Ministère de la santé et de la qualité de vie.

Il est primordial de connaître la composition corporelle, car il s’agit du marqueur approprié pour mesurer la graisse corporelle. Avec le bon marqueur, vous pouvez savoir exactement quelle est la situation dans le pays.
Noorejehan Joonus, chef des services de biochimie au Laboratoire central de la santé, Maurice

Des enfants mauriciens boivent de l’eau enrichie en deutérium dans le cadre d’une étude destinée à déterminer leur composition corporelle.

(Photo : L. Viegas Assumpcao/AIEA)

Depuis, Maurice a étendu les études à différents groupes de populations. En association avec la technique de dilution du deutérium, le laboratoire a commencé à utiliser des scanners d’absorptiométrie à rayons X en double énergie (DEXA) pour étudier le lien entre composition corporelle et résistance à l’insuline et le cancer du sein et le cancer colorectal. La DEXA fournit des informations sur la répartition de la graisse corporelle (voir l’encadré « En savoir plus ») qu’il est important de prendre en compte, car la graisse entourant les organes (le tissu adipeux viscéral) induit plus de risques de maladies chroniques comme le diabète.

« Ces études nous aident réellement à mettre au point notre programme de lutte contre le cancer », a déclaré Noorejehan Joonus. Le pays prévoit d’organiser un cours régional sur les applications isotopiques aux fins des évaluations nutritionnelles à l’Université de Maurice, en collaboration avec l’AIEA. « Il est primordial de connaître la composition corporelle, car il s’agit du marqueur approprié pour mesurer la graisse corporelle. Avec le bon marqueur, vous pouvez savoir exactement quelle est la situation dans le pays »

Avec de meilleures données, Maurice prévoit de continuer à améliorer ses politiques nutritionnelles de prévention des maladies, de façon à ce que sa richesse et sa prospérité ne soient pas acquises aux dépens de la santé de sa population. « Comme l’on a coutume de dire, “nous sommes ce que nous mangeons”. Les recherches ne cessent de montrer que des maladies peuvent être évitées ou retardées simplement si l’on mange les bons aliments », a déclaré Anju Gowreesunkur.

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