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Hydrologie isotopique : présentation générale

Tiré du Bulletin de l’AIEA
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Perito Moreno (Argentine). (Photo : L. Ortega/AIEA)

Les techniques isotopiques permettent aux scientifiques de bien comprendre les différents éléments du cycle hydrologique, ce qui les aide à mieux évaluer la quantité, la qualité et la durabilité de l’eau.

Les eaux souterraines sont l’élément le moins compris du cycle hydrologique. Les scientifiques utilisent des isotopes naturels comme traceurs pour déterminer si ces eaux sont réalimentées, d’où elles proviennent, comment elles se déplacent et si elles sont vulnérables à la pollution et aux changements des conditions climatiques.

Les eaux de différents endroits ont une signature isotopique différente. Les scientifiques utilisent cette « empreinte » pour retracer le parcours de l’eau tout au long du cycle hydrologique, de l’évaporation au retour dans les océans ou dans l’atmosphère en passant par la précipitation, l’infiltration, le ruissellement et l’évapotranspiration.

Mais qu’est-ce qu’un isotope ?

Un élément chimique, comme l’hydrogène, se compose d’un seul type d’atome. Il existe plusieurs variétés d’un même atome, les isotopes, qui possèdent les mêmes propriétés chimiques et le même nombre de protons et d’électrons mais pas le même nombre de neutrons. Les différents isotopes n’ont donc pas le même poids, ce qui est la clé des études hydrologiques.

L’hydrologie isotopique se fonde à la fois sur les isotopes stables et les isotopes instables. Les isotopes stables ne sont pas radioactifs : ils n’émettent pas de rayonnements. Les isotopes instables (ou radio-isotopes), en revanche, subissent une décroissance radioactive et sont donc radioactifs.

On trouvera ci-après une explication succincte du fonctionnement de l’hydrologie isotopique.

Origine et transport de l’eau dans le cycle hydrologique

Chaque molécule d’eau (H2O) se compose de deux atomes d’hydrogène (H) et un atome d’oxygène (O). Ces atomes ne sont pas tous les mêmes : certains isotopes sont plus légers, d’autres plus lourds. Les scientifiques utilisent du matériel d’analyse précis pour mesurer ces infimes différences de poids dans des échantillons d’eau. Pourquoi ?

Lorsque l’eau de mer s’évapore, les molécules aux isotopes les plus légers sont généralement les premières à s’élever, formant des nuages aux signatures isotopiques spécifiques. Ces nuages sont un mélange de molécules d’eau qui retombent sous la forme de gouttes de pluie. Les molécules aux isotopes les plus lourds tombent les premières. À mesure que les nuages se déplacent vers l’intérieur des terres, les isotopes plus légers tombent en plus grande proportion.

L’eau de pluie alimente les lacs, les rivières et les aquifères. En y mesurant la proportion d’isotopes lourds et d’isotopes légers, les scientifiques peuvent déterminer l’origine et le parcours de l’eau.

L’AIEA aide les experts nationaux en favorisant l’utilisation des techniques isotopiques et en transférant le savoir-faire scientifique dans le monde. Ici, des spécialistes de l’hydrologie isotopique prélèvent des échantillons à Los Gigantes (Argentine). (Photo : L. Ortega/AIEA)

Âge des eaux souterraines

Les isotopes sont l’outil qui permet d’estimer le plus directement et le plus efficacement l’âge, la vulnérabilité et la durabilité des ressources en eau. Si les eaux souterraines d’un aquifère sont « vieilles », cela signifie que le débit est faible et qu’il peut falloir longtemps pour que l’aquifère se recharge. À l’inverse, les eaux souterraines jeunes sont facilement et rapidement réalimentées par l’eau de pluie mais peuvent aussi être facilement touchées par la pollution et les changements des conditions climatiques. En connaissant l’âge de l’eau, les scientifiques et les gouvernements ont une bonne idée de la rapidité avec laquelle les aquifères se rechargent.

Les hydrologues utilisent des isotopes radioactifs naturellement présents dans l’eau, comme le tritium (3H), le carbone 14 (14C) et les radio-isotopes de gaz rares, pour estimer l’âge des eaux souterraines, qui peut aller de quelques mois à un million d’années.

Comme ces isotopes se désintègrent au fil du temps, ils sont de moins en moins abondants au fil des ans. Une forte concentration indique que les eaux sont « jeunes » et une faible concentration que les eaux sont « vieilles ». Ainsi, des eaux souterraines contenant du tritium en quantité détectable peuvent avoir jusqu’à 60 ans alors que des eaux souterraines sans trace de tritium sont nécessairement plus vieilles. Le tritium permet d’évaluer l’âge des eaux souterraines récemment réalimentées, c.-à-d. de moins de 60 ans, mais le carbone 14 permet de remonter à 40 000 ans et le krypton 81 jusqu’à un million d’années.

Qualité de l’eau

Les polluants présents dans les eaux de surface et les eaux souterraines proviennent de différentes sources (agriculture, industrie, déchets générés par l’homme) ou de processus géochimiques qui se produisent naturellement dans les aquifères. L’agriculture, l’industrie et les ménages ne produisent pas les mêmes types de polluants. En analysant la composition chimique et isotopique d’un polluant, les scientifiques peuvent déterminer son origine.

Par exemple l’ion nitrate (NO3-), constitué d’azote et d’oxygène, est un polluant courant. L’azote a deux isotopes stables de poids différents. Le rapport de poids entre ces isotopes n’est pas le même dans les déchets générés par l’homme et dans les engrais. L’azote des engrais provient de l’air, tandis que l’azote généré par les humains et les animaux subit un processus biologique qui lui donne différentes formes. La source des polluants peut donc être déterminée à l’aide des différences de poids entre isotopes.

Connaître l’origine des polluants est le premier pas vers la résolution des problèmes de qualité de l’eau. Les données issues de l’hydrologie isotopique aident les décideurs à planifier et gérer stratégiquement les ressources en eaux.

L’AIEA aide les scientifiques du monde entier en promouvant l’utilisation des techniques isotopiques et le transfert de connaissances scientifiques aux spécialistes de l’eau au niveau local.

Cet article a été publié dans le Bulletin d’avril 2019 sur l’eau

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