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Les techniques nucléaires aident les villageois malgaches à accéder à de l’eau potable

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Josiane Ranorosoa, membre du conseil du village, tire de l’eau d'un puits communautaire. Des analyses isotopiques ont montré que ce puits était alimenté par des eaux souterraines susceptibles d’être contaminées par une décharge située à proximité. Son eau sert donc uniquement à la lessive et au nettoyage. (Photo : M. Gaspar/AIEA)

Ambaniala, Madagascar – Le village d’Ambaniala jouxte la décharge municipale d’Andralanitra, où finissent les déchets de la capitale, Antananarivo. Quatre mille personnes y vivent dans une odeur pestilentielle de pourriture et de déchets brûlés, assaillis par des milliers de mouches. Heureusement, des techniques nucléaires et isotopiques leur permettent maintenant de distinguer les puits à eau potable de ceux contaminés par les effluents de la décharge à ciel ouvert d'où ils tirent leur subsistance.

« C’est bien plus facile maintenant et plus personne ne tombe malade », se réjouit Josiane Ranorosoa, membre du conseil du village. « Certains doivent aller chercher l’eau plus loin, mais au moins elle est potable. L'eau de certains des puits contaminés est utilisée pour la lessive et le nettoyage », ajoute-t-elle.

Bien que l’accès à l’eau potable soit reconnu comme un droit de l’homme universel, plus de deux milliards de personnes dans le monde peinent à trouver de l’eau propre. Madagascar est l'un des pays qui utilise des techniques nucléaires pour vérifier que l’eau consommée par les habitants est propre. En 2019, la Journée internationale des droits de l’homme a eu pour thème la participation des jeunes à la promotion des droits de l’homme et au développement durable, une question chère au cœur de Josiane Ranorosoa, 23 ans, qui depuis des années milite activement pour l’accès à l’eau propre au conseil du village.

Les analyses chimiques traditionnelles permettent de savoir si l’eau d'un puits est propre ou contaminée, mais pas si elle va le rester ; il faut donc les répéter continuellement. Seules les techniques isotopiques permettent de comprendre le flux et la dynamique des eaux souterraines et de savoir si celles-ci contiennent des eaux de surface potentiellement contaminées.

Les isotopes sont des atomes « ordinaires » qui ont gagné un ou plusieurs neutrons. Ils ont le même nombre de protons et d’électrons et le même comportement chimique, mais leur masse atomique est différente et certains, instables, émettent un très faible rayonnement qui peut être mesuré. Les hydrologues isotopiques peuvent donc les utiliser comme traceurs.

Un puits communautaire dont l’eau est trop polluée pour être consommée a été condamné. (Photo : M. Gaspar/AIEA)

L’équipe de Joël Rajaobelison, hydrologue isotopique et Directeur général de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (Madagascar-INSTN), qui a reçu du matériel et une formation à l’utilisation des techniques isotopiques d’analyse de l’eau dans le cadre du programme de coopération technique de l’AIEA, a déterminé qu'une bande souterraine de 300 mètres de large était contaminée ou susceptible de l’être mais que les eaux situées en dehors de cette zone n’étaient pas touchées par les effluents de la décharge et pouvaient donc être utilisées sans danger.

Cette découverte est importante pour les villageois à court comme à long terme : ils ont demandé aux autorités l'électricité et l'eau courante et celles-ci ont bien mis en chantier la construction de poteaux électriques mais ne prévoient pas de raccordement à l’eau courante dans l’immédiat, rapporte Josiane Ranorosoa.

L'eau, composée d’hydrogène et d’oxygène, contient des isotopes de ces deux éléments en très faibles concentrations mais les eaux de surface sont généralement plus riches en H2 (deutérium) et en O18. Grâce au matériel sensible reçu de l'AIEA dans le cadre du programme de coopération technique, l’équipe de Joël Rajaobelison peut détecter la différence de concentration et déterminer s'il y a une infiltration d’eaux de surface. « Les eaux souterraines qui contiennent des eaux de surface risquent d'être contaminées par les effluents tôt ou tard, même si elles sont propres aujourd'hui », explique l’hydrologue.

Le deutérium et l’O18 sont des isotopes stables, qui ne se désintègrent pas et n’émettent pas de rayonnement, et ne permettent donc pas de connaître le sens et la vitesse d’écoulement de l’eau, ce qui est crucial pour déterminer les zones potentiellement contaminées. C’est là que l’H3 (tritium) entre en jeu. Cet isotope inoffensif encore plus rare, issu en grande partie des essais d’armes nucléaires effectués dans les années 1950 et 1960, s’est infiltré dans les eaux de surface et dans le cycle hydrologique par la pluie. Sa présence dans des eaux souterraines indique que le réservoir a été réalimenté au cours des 60 dernières années. Le faible rayonnement qu'il émet en se désintégrant permet de déceler le sens et la vitesse d’écoulement de l’eau. « On peut donc savoir si l'eau s’écoule depuis la décharge ou vers celle-ci », précise Joël Rajaobelison.

L’année dernière, lorsque son équipe a été informée du problème d’Ambaniala par un citoyen touché par les campagnes de communication nationales sur les techniques isotopiques, elle a tout de suite su qu’elle pouvait aider. « Pour nous, c’est une simple analyse de routine de quelques semaines, dit Joël Rajaobelison. Pour eux, ce sont des vies sauvées. »

La rue principale d’Ambaniala, au bout de laquelle se trouve la plus grande décharge de Madagascar. Les eaux souterraines contaminées par la décharge polluent certains puits du village. Les techniques isotopiques permettent d'indiquer aux villageois quels puits utiliser en toute sécurité. (Photo : M. Gaspar/AIEA)

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