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Des vétérinaires africains contribuent à prévenir la propagation de la fièvre Ebola et d’autres zoonoses

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Yaoundé (Cameroun) et Bangui (République centrafricaine) – Un animal aussi petit qu’une chauve-souris peut porter jusqu’à 137 espèces de virus différentes. Un grand nombre de ces espèces, dont le virus Ebola, peuvent être transmises à l’homme. Après avoir étudié pendant des années les chauves-souris et d’autres animaux dans les jungles d’Afrique centrale, des scientifiques conjuguent leurs forces dans le cadre de projets de l’AIEA visant à prévenir la propagation de maladies transmissibles de l’animal à l’homme, appelées « zoonoses ».

« Environ 75 % des maladies humaines sont transmises par des animaux, d’où l’importance de les endiguer au stade de l’infection animale », a indiqué Abel Wade, directeur du Laboratoire national vétérinaire à Yaoundé (Cameroun). « La technologie dérivée du nucléaire nous aide à atteindre cet objectif », a-t-il ajouté.

Lors de l’épidémie d’Ebola de 2014, l’AIEA a réagi rapidement en fournissant du matériel de diagnostic spécialisé pour aider la Sierra Leone à lutter contre le virus. La crise immédiate ayant été maîtrisée, les efforts portent désormais sur la prévention à long terme. En coopération avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et grâce au financement de l’Initiative sur les utilisations pacifiques et de l’Accord régional de coopération pour l’Afrique sur la recherche, le développement et la formation dans le domaine de la science et de la technologie nucléaires (AFRA), l’AIEA aide les pays à utiliser les techniques dérivées du nucléaire pour détecter et combattre les zoonoses.

Pour les pays africains confrontés à la menace de nouvelles épidémies, l’aide fournie par l’AIEA pour équiper les laboratoires et former les scientifiques à l’utilisation de ces techniques et aux mesures de sécurité biologique correspondantes a été essentielle. Par exemple, la technologie de réaction de polymérisation en chaîne (PCR) permet d’identifier des virus tels qu’Ebola en quelques heures et avec un degré de fiabilité élevé (voir les techniques dérivées du nucléaire au service de la détection des maladies animales). Le diagnostic précoce contribue à enrayer la propagation d’une maladie en permettant d’isoler rapidement et de traiter plus tôt les animaux et les patients infectés.

« Grâce à cette technologie, nous sommes mieux préparés pour intervenir dès les premiers signes d’une maladie », a indiqué Emmanuel Nakouné, directeur scientifique de l’Institut Pasteur à Bangui (République centrafricaine). « Mais il suffit que la surveillance d’un pays soit faible pour mettre en danger toute la région. C’est pourquoi nous travaillons ensemble pour renforcer la surveillance dans toute la région », a-t-il poursuivi.

Environ 75 % des maladies humaines sont transmises par des animaux, d’où l’importance de les endiguer au stade de l’infection animale. La technologie dérivée du nucléaire nous aide à atteindre cet objectif.
Abel Wade, directeur du Laboratoire national vétérinaire (LANAVET) de Yaoundé (Cameroun)

Coopération régionale

En 1999, Emmanuel Nakouné a passé trois semaines dans la jungle du sud-ouest de la République centrafricaine, avec les pygmées autochtones, avant de trouver une source possible du virus Ebola : les rongeurs. De retour dans son laboratoire, il a découvert, grâce à la technique de la PCR, que c’était bien ces animaux qui transmettaient le virus à l’homme dans cette région.

Début mars, il a accueilli Abel Wade pour une semaine d’échange d’informations et de travail conjoint.

« L’échange d’informations qui a lieu entre différentes disciplines et différents pays est exemplaire dans le transfert de connaissances effectué en vertu du principe “Un monde, une santé”, appuyé par les Nations Unies », a affirmé Michel Warnau, qui est responsable du projet de coopération technique sur les nouvelles zoonoses à l’AIEA. « Par exemple, Abel Wade apprend comment les médecins de Bangui ont détecté la fièvre Ebola au début des années 2000 et, plus récemment, une épidémie de variole du singe à l’aide de techniques dérivées du nucléaire. À son tour, il partage ses connaissances et fait part de l’expérience qu’il a acquise lorsqu’il a lutté contre la propagation d’une zoonose dangereuse qui touchait le Cameroun ».

Lors de son voyage en Afrique centrale, ce vétérinaire camerounais avait une histoire à raconter. 

Abel Wade (à gauche), directeur du Laboratoire national vétérinaire à Yaoundé (Cameroun), et Emmanuel Nakouné (à droite), directeur scientifique de l’Institut Pasteur à Bangui (République centrafricaine), à l’Institut Pasteur. (Photo : L. Gil)

La lutte contre l’épidémie de grippe aviaire de 2016

Mi-2016, une exploitation agricole située près de Yaoundé a perdu 15 000 poulets. Des vétérinaires du Laboratoire national vétérinaire (LANAVET), au Cameroun, ont prélevé des échantillons de poulets morts qu’ils ont emportés dans leur laboratoire à Yaoundé, qui était presque entièrement équipé grâce à l’Initiative sur les utilisations pacifiques de l’AIEA. Ils ont utilisé des techniques dérivées du nucléaire, comme la technique de la PCR et la technique ELISA (voir les techniques dérivées du nucléaire au service de la détection des maladies animales), et ainsi mis en évidence une épidémie de grippe aviaire H5N1, maladie dangereuse pouvant être transmise à l’homme.

« Dès que nous avons détecté l’épidémie, nous avons informé tous les ministères concernés, l’armée et tout un chacun », a indiqué Abel Wade lors d’un exposé présenté à des chercheurs de l’Université de Bangui. Pour venir à bout de l’épidémie, les Camerounais ont dû mettre en place toutes les mesures sanitaires nécessaires, tuer tous les animaux exposés, désinfecter toutes les exploitations touchées et interrompre la commercialisation du poulet.

D’après Abel Wade, ce succès a eu un coût pour l’économie du pays. Au plus fort de l’épidémie, les agriculteurs du Cameroun occidental perdaient six milliards de FCFA (soit neuf millions d’euros) par jour. Les maladies animales peuvent avoir des conséquences désastreuses pour les agriculteurs, les familles et les communautés. Une fois qu’ils ont identifié la maladie animale au laboratoire, les vétérinaires peuvent fournir aux agriculteurs des médicaments ou des vaccins, mais dans certains cas, comme celui de la grippe aviaire, la seule manière d’enrayer la propagation est de sacrifier le troupeau.

Le message d’Abel Wade aux chercheurs de l’Université de Bangui était clair : « Les techniques de diagnostic dérivées du nucléaire nous permettent de détecter le virus de manière précoce, mais une fois la maladie identifiée, il faut agir. Les agriculteurs peuvent subir des pertes économiques, mais sauver une vie humaine n’a pas de prix ».

Guimdo Tshicitoing Guy Flaubert, propriétaire d’un élevage avicole à la périphérie de Yaoundé, perdait encore des animaux sept mois après le début de l’épidémie, lorsqu’il a sollicité l’aide des scientifiques du LANAVET. Ceux-ci ont constaté, grâce à la PCR et à la technique ELISA, que la mort des poulets n’était pas due à la grippe aviaire, et Guy Flaubert a ainsi pu dormir de nouveau tranquille. « Je n’aurais jamais pu trouver seul la véritable cause du problème, par quelque moyen que ce fût. Il y a des choses que seules ces appareils peuvent voir », a-t-il indiqué.

En raison de la précision des diagnostics moléculaires établis par le LANAVET lors de la crise de la grippe aviaire, de plus en plus d’agriculteurs font appel à ce laboratoire. Pour la seule année 2016, 230 agriculteurs ont fait examiner des animaux morts ou malades par ce laboratoire à Yaoundé.

À Bangui, Abel Wade a appris à utiliser la technique de la PCR pour identifier une maladie relativement nouvelle détectée dans la jungle de la République démocratique du Congo (RDC) : la variole du singe, causée par un virus dont peuvent être porteurs des rongeurs et des primates, et qui provoque aussi chez l’homme des symptômes semblables à ceux de la variole. Ces dernières années, la variole du singe est réapparue dans plusieurs pays, dont la République centrafricaine.

Lors de son escale suivante, à N’Djamena (Tchad), Abel Wade a appris de l’expérience de ses pairs en matière d’utilisation de techniques dérivées du nucléaire pour identifier la rage et la tuberculose, et s’est employé à établir une collaboration essentielle à la surveillance de la fièvre Ebola et d’autres maladies animales transmissibles à l’homme, ainsi qu’à la lutte contre ces maladies.

« En Afrique subsaharienne, la majorité des agents pathogènes demeurent inconnus », a indiqué Abel Wade, qui a souligné la nécessité d’une collaboration. « Tous les quatre mois, une maladie apparaît ou réapparaît dans le monde. Nous ne pouvons pas maîtriser ce phénomène en travaillant seul. Nous devons mettre en commun nos compétences en matière d’utilisation de ces techniques performantes et salvatrices. N’oubliez pas que pour une vie sauvée en République centrafricaine, nombre d’autres vies sont sauvées en Afrique », a-t-il poursuivi.

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