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Le déclassement du premier réacteur de recherche de l’Ouzbékistan

Kendall Siewert

L’installation du réacteur de recherche IIN-3M durant la phase de démolition du déclassement.

(Photo : Académie des sciences d’Ouzbékistan)

C’était la première fois qu’une installation nucléaire était déclassée en Ouzbékistan. L’AIEA nous a aidés à chaque étape du processus, dans les situations où nous manquions de l’expérience et des connaissances nécessaires.
Fakhrulla Kungurov, chef de laboratoire à l’Institut de physique nucléaire de l’Académie des sciences d’Ouzbékistan

À Tachkent, en Ouzbékistan, un terrain vague sablonneux, entouré de verdure, semble prêt à accueillir un nouveau projet de construction. Cet espace est en fait le résultat du déclassement du réacteur IIN-3M, après sa mise à l’arrêt définitif.

« Il a été décidé de déclasser le réacteur IIN-3M car il avait rarement été utilisé ces dernières années, l’équipement était obsolète et l’installation était située près d’un aéroport dont les autorités envisageaient l’agrandissement », explique Fakhrulla Kungurov, chef de laboratoire à l’Institut de physique nucléaire de l’Académie des sciences d’Ouzbékistan. « C’était la première fois qu’une installation nucléaire était déclassée en Ouzbékistan. L’AIEA nous a aidés à chaque étape du processus, dans les situations où nous manquions de l’expérience et des connaissances nécessaires. »

Le déclassement du réacteur IIN-3M, sur le Complexe d’irradiation et de technologie (RTC) de l’Ouzbékistan, a débuté en 2015 et s’est achevé en 2019. Le processus consistait à décontaminer, à démanteler et à démolir l’installation afin de la soustraire à l’obligation de contrôle réglementaire, de même que le site sur lequel elle était bâtie. Le réacteur avait été mis à l’arrêt en 2013, après avoir principalement servi, depuis 1975, à l’essai de semi-conducteurs et d’autres dispositifs. C’était l’un des deux réacteurs de recherche du pays, le second étant toujours en service.

Les réacteurs de recherche constituent une source de neutrons destinés à des applications dans l’industrie, la médecine, la recherche, l’enseignement et la formation, par exemple, tandis que d’autres réacteurs nucléaires, plus grands, sont conçus pour produire de l’électricité. Lorsqu’ils ont rempli leur mission et sont mis à l’arrêt définitif, ils doivent faire l’objet d’un déclassement, comme toute autre installation nucléaire. L’objectif du déclassement est de retirer toutes les sources de radioactivité, les matières contaminées ou toute autre structure, afin que le site puisse servir à d’autres fins.

Plus de 60 % des réacteurs de recherche en service ont aujourd’hui plus de 40 ans. Le nombre croissant de réacteurs vieillissants a pour conséquence une augmentation des activités de déclassement dans le monde. Il existe actuellement plus de 220 réacteurs de recherche en service, tandis que 443 ont été déclassés.

Les raisons qui peuvent amener un pays à opter pour le déclassement d’un réacteur de recherche sont variées : coûts prohibitifs de la prolongation de la durée de vie du réacteur, manque de fonds ou obsolescence technologique, par exemple. Un pays peut, à l’inverse, choisir de rénover ses réacteurs et d’en poursuivre l’exploitation pour continuer à tirer les bénéfices de leur utilisation. Cependant, que l’exploitant et les autorités décident de déclasser un réacteur aujourd’hui ou bien plus tard, il est indispensable d’avoir un plan d’action.

Vladimir Michal, chef d’une équipe spécialisée dans le déclassement à l’AIEA, indique que l’Agence propose aux pays, sur demande, un appui et une expertise afin de bien les préparer à procéder au déclassement de manière sûre et sécurisée. En outre, l’AIEA fait paraître des normes de sûreté et des publications de référence qui donnent des orientations et divulguent les bonnes pratiques dans ce domaine.

« Il appartient aux pays de choisir entre la poursuite de l’exploitation et la mise à l’arrêt d’un réacteur, mais il est essentiel de déclasser les réacteurs qui ne sont plus en service », déclare Vladimir Michal. « L’absence de déclassement des réacteurs inactifs, ou un déclassement mal exécuté, risquent d’entraîner une détérioration des structures et d’exposer la population et l’environnement à un risque accru. »

Mettre en place un plan

De nos jours, intégrer un plan de déclassement dans le projet initial d’un réacteur de recherche est une pratique courante, mais ce n’était pas le cas dans les années 1970, lorsque le réacteur IIN-3M, comme beaucoup d’autres, a été construit.

« L’impression qui dominait dans les premières années de la construction de réacteurs de recherche était que le déclassement serait une tâche facile à accomplir, qui demanderait peu de ressources et de planification. Cependant, il est clair qu’il n’en est pas ainsi », fait remarquer Fakhrulla Kungurov. « Par conséquent, nous n’avions pas de plan de déclassement ni d’informations sur la façon de retirer ou de démonter l’équipement. C’est alors que l’appui de l’AIEA s’est avéré crucial. »

Du personnel de l’AIEA et d’autres experts internationaux se sont rendus en Ouzbékistan en août 2012 pour évaluer le site du réacteur. Le but de cette visite était d’évaluer l’état de l’installation et de réunir les informations nécessaires pour aider les autorités ouzbèkes à préparer le déclassement.

Sur la base des résultats de la visite de 2012 et d’autres réunions, les experts de l’AIEA ont travaillé avec l’équipe nationale à l’élaboration d’un plan de déclassement, comprenant notamment un calendrier du projet et une estimation des coûts, conformément aux recommandations et orientations de l’AIEA en matière de planification du déclassement.

« L’estimation des coûts du déclassement a été l’une des tâches les plus difficiles du processus de planification, car les exploitants du réacteur l’exécutaient pour la première fois, et la documentation nécessaire est considérable », déclare Fakhrulla Kungurov. Tous les renseignements relatifs au déclassement du réacteur IIN-3M, comme la description détaillée des procédures, de l’équipement et des outils à utiliser, ont été soumis pour approbation à l’organisme national de réglementation de l’Ouzbékistan avant le début des travaux sur le terrain.

Préparer le déclassement

Une étape importante devant toujours précéder le processus de déclassement est l’enlèvement de tout le combustible et de toutes les sources radioactives, comme indiqué dans les normes de sûreté de l’AIEA. Elle requiert un équipement spécial et des experts très bien formés.

En ce qui concerne le réacteur IIN-3M, les experts ont travaillé avec l’AIEA, en coopération avec la Russie et les États-Unis, pour extraire le combustible du réacteur et le réexpédier dans son pays d’origine, la Russie. En l’occurrence, la forme sous laquelle se présentait le combustible usé (uranium hautement enrichi liquide) posait une difficulté particulière ; c’était en effet la première fois que l’on renvoyait ce type de combustible dans son pays d’origine par voie aérienne. La coopération a également porté sur la préparation et le transport de diverses sources radioactives liquides retirées du service depuis le site jusqu’à une installation de stockage définitif.

Les processus de décontamination, de démantèlement et de démolition pouvaient alors commencer.
Le processus de déclassement consistait notamment à démonter l’équipement (par exemple la cuve du réacteur) pièce par pièce, à éliminer la contamination superficielle et ramener les rayonnements à un niveau sûr, et à retirer les couches de béton servant de caisson au réacteur. L’AIEA a apporté son concours à chaque étape du processus.

Une fois le processus de déclassement achevé, l’AIEA a appuyé une étude du site, à la demande du Gouvernement ouzbek, afin de vérifier que les niveaux de radioactivité étaient sûrs. Ses conclusions ont attesté la réussite du déclassement, puisqu’elles ne faisaient état d’aucune radioactivité résiduelle significative. Les mesures ainsi faites en toute indépendance s’accordaient avec l’évaluation du site menée par le Gouvernement ouzbek. Ensemble, tous ces résultats confirmaient donc que le site pouvait être utilisé à d’autres fins en toute sûreté.

11/2019
Vol. 60-4

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