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Réduction des déchets nucléaires et augmentation de l’efficacité pour un avenir énergétique durable
Jeffrey Donovan
Les réacteurs à neutrons rapides peuvent augmenter l’efficacité de l’énergie nucléaire et réduire l’empreinte environnementale des déchets radioactifs. Plusieurs pays se tournent vers ces réacteurs innovants afin de garantir un avenir énergétique durable.
Les réacteurs à neutrons rapides utilisent des neutrons qui ne sont pas ralentis par un modérateur tel que l’eau pour maintenir la réaction de fission en chaîne. Là où les réacteurs à neutrons thermiques actuels ne consomment qu’une fraction de l’uranium naturel servant de combustible, les réacteurs à neutrons rapides utilisent la quasi-totalité de l’uranium contenu dans le combustible pour extraire jusqu’à 70 fois plus d’énergie, diminuant ainsi le besoin en nouvelles ressources d’uranium.
De plus, les réacteurs à neutrons rapides fonctionnent dans ce qu’on appelle un cycle fermé du combustible nucléaire. Cette expression désigne le recyclage et la réutilisation du combustible usé, c’est à dire du combustible nucléaire après irradiation. Un tel système d’énergie pourrait potentiellement durer des milliers d’années. Dans un cycle ouvert, à l’inverse, le combustible nucléaire n’est utilisé qu’une fois et le combustible usé est déclaré comme déchet pour finalement être stocké sous terre dans des dépôts géologiques.
Les réacteurs à neutrons rapides peuvent aussi produire plus de combustible qu’ils n’en consomment (c’est la « surgénération ») et brûler une partie des déchets présents dans le combustible usé, tels que des actinides mineurs, ce que les réacteurs thermiques ne peuvent pas faire efficacement. Les brûler réduit considérablement le volume, la toxicité et la durée de vie des déchets radioactifs à longue période.
« L’empreinte environnementale d’une source d’énergie, ainsi que celle de ses déchets, est un sujet important pour de nombreux pays qui sont à la recherche de méthodes durables de fourniture d’énergie propre », déclare Amparo González Espartero, responsable technique du cycle du combustible nucléaire à l’AIEA. « La capacité à réduire cette empreinte tout en tirant davantage parti du combustible nucléaire est l’une des principales caractéristiques qui rendent les réacteurs à neutrons rapides de plus en plus attrayants pour de nombreux pays, et qui stimule leur développement technologique. »
Un retour en force
Les réacteurs à neutrons rapides faisaient partie des premières technologies mises en place aux débuts de l’électronucléaire, lorsque les ressources en uranium étaient perçues comme rares. Cependant, à mesure que les problèmes techniques et ceux liés aux matières en freinaient le développement, et que de nouveaux gisements d’uranium étaient découverts, les réacteurs à eau ordinaire (REO) ont fini par devenir la norme. Cinq réacteurs à neutrons rapides sont actuellement en service : deux réacteurs opérationnels (le BN-600 et le BN-800) et un réacteur d’essai (le BOR-60) en Russie ; le surgénérateur à neutrons rapides d’essai en Inde ; et le réacteur à neutrons rapides expérimental chinois (CEFR).
De nouveaux concepts, technologies et avancées dans la recherche sur les matières, combinés à une vision à long terme du nucléaire comme source d’énergie durable remettent actuellement les réacteurs à neutrons rapides au goût du jour. Ces avancées se caractérisent en général par des mises à niveau innovantes, telles que des dispositifs de sûreté renforcés et des modèles améliorés et plus compacts qui tiennent compte du critère économique. Les nouveaux modèles comprennent également des caloporteurs différents, comme les sels fondus, le plomb, le plomb-bismuth ou des gaz.
« Les réacteurs à neutrons rapides sont en développement depuis des décennies, d’abord en tant que surgénérateurs de combustible, puis plus récemment en tant que petits réacteurs modulaires semblables à des batteries à longue durée de vie, et même en tant que microréacteurs », explique Vladimir Kriventsev, chef d’équipe chargé du développement technologique des réacteurs à neutrons rapides à l’AIEA. « Les réacteurs à neutrons rapides peuvent faire de l’électronucléaire une source d’énergie durable pour des milliers d’années et améliorer nettement la gestion des déchets nucléaires. »
Progression des réacteurs à neutrons rapides
Des réacteurs à neutrons rapides sont en développement dans le monde entier. L’AIEA joue un rôle central dans le soutien au développement et à l’installation de ces réacteurs, ainsi que dans le partage d’informations et de données d’expérience, notamment par l’intermédiaire de projets de recherche coordonnée, de publications techniques, de groupes de travail technique et de conférences internationales.
La Russie, qui a déjà deux réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium en service, projette d’installer après 2035 un réacteur à neutrons rapides commercial nouvelle génération de 1 200 mégawatts électriques (MWe) dans le cadre d’un système autonome comprenant également des réacteurs à eau ordinaire. À l’aide du réacteur à neutrons rapides, le combustible usé issu des réacteurs à neutrons thermiques sera retraité et réutilisé, et l’empreinte finale des déchets sera jusqu’à dix fois inférieure à celle d’un combustible nucléaire ordinaire.
L’Inde est en train de mettre en service le prototype de surgénérateur à neutrons rapides de 500 MWe refroidi au sodium, premier d’une série de réacteurs à neutrons rapides industriels que le pays prévoit d’installer. La Chine, qui exploite un réacteur à neutrons rapides expérimental de 20 MWe, est en train de construire un grand réacteur à neutrons rapides de démonstration et projette à terme d’exploiter des réacteurs à neutrons rapides commerciaux.
En Amérique du Nord, plusieurs modèles de réacteurs à neutrons rapides utilisant différents caloporteurs, dont des sels fondus, sont en développement. Les États-Unis prévoient de construire un réacteur à neutrons rapides d’essai pour faciliter la poursuite du développement de cette technologie, ainsi qu’un microréacteur à neutrons rapides de démonstration de 1,5 MWe, qui servira aussi à faire la démonstration d’un nouveau type de combustible retraité adapté à un usage dans les réacteurs innovants de demain.
Depuis les années 1950, la viabilité technologique des réacteurs à neutrons rapides a été largement prouvée. La France a exploité le réacteur Superphénix de 1 200 MWe commercialement pendant 12 ans, jusqu’en 1998, et poursuit la recherche-développement sur cette technologie, tout comme le font la Corée du Sud et le Japon, qui projette de redémarrer un réacteur à neutrons rapides d’essai.
Néanmoins, le déploiement industriel des réacteurs à neutrons rapides dépendra largement de l’amélioration de leur rentabilité.
« Dans un monde aux ressources limitées, où on s’attend à ce que le prix de l’uranium soit bien plus élevé qu’à présent et où l’accent sera mis sur la minimisation des déchets, les réacteurs à neutrons rapides innovants et compacts pourraient devenir encore plus compétitifs que les réacteurs à neutrons thermiques traditionnels sur le plan économique », déclare Stefano Monti, chef de la Section du développement de la technologie électronucléaire à l’AIEA. « Vu le nombre de pays qui sont en train de développer activement des réacteurs à neutrons rapides, nous nous attendons à ce qu’ils contribuent sensiblement aux systèmes d’énergie propre dans les décennies à venir. »